Dans les années 50, la femme était mariée et mère au foyer ou n'était pas. Dans le modèle sociétal traditionnel, son existence était tolérable au dépit de son indépendance : elle était là pour faire la cuisine à un homme, porter ses enfants et lui nouer sa cravate tous les matins quand il partait travailler. Et il ne faut pas sous-estimer le poids de ces siècles de sexisme banalisé. Si les lois se sont enchaînées depuis une soixantaine d'années pour émanciper les femmes, les mentalités évoluent bien plus lentement, embrumées par les traces invisibles d'une convenance sociale qui n'a de moderne que l'apparence.
De la même manière que l'on rejette de manière presque viscérale les femmes qui refusent d'avoir des enfants, les célibataires tombent aussi sous le coup d'une violente opprobre. En refusant le couple ou la maternité, elles sortent du rôle traditionnel dans lequel on aimerait les enfermer. Et la sanction ne se fait pas attendre : remarques insidieuses aux dîners de famille, pression des collègues, des ami(e)s, condescendance, pitié, agressivité à peine dissimulée... Parce que le célibat est trop souvent considéré comme une indigne chrysalide à briser pour voler vers le bonheur, on se plaît à imaginer que les femmes qui le choisissent sont plongées dans une profonde détresse –peut-être parce qu'il nous est inconsciemment plus difficile d'accepter qu'une femme vive selon ses propres règles.
Pour en finir avec cette pression sociale permanente, on a recensé 5 petits "compliments" qui sont en réalité des attaques sexistes indirectes. Pour affûter vos armes avant les repas de Noël en famille...
C'est un compliment très pervers –notamment parce qu'il ne part pas d'une mauvaise intention. Simplement, le statut de célibataire fait qu'au lieu de chanter vos louanges, on s'indigne que vous soyez toujours seule malgré toutes vos qualités.
Cela sous-entend que le célibat a quelque chose de dégradant, de profondément mauvais. On pose le fait d'être seul comme quelque chose qui est forcément subi et face auquel on peut se lamenter comme on le ferait en apprenant un cancer : "C'est terrible, elle est pourtant si jeune, si jolie et intelligente...".
Alors non, le célibat n'est ni une terrible maladie, ni un purgatoire réservé aux laiderons et aux dégénérées. C'est simplement un choix personnel, qui n'empêche ni le bonheur, ni l'épanouissement. Et oui, une femme peut choisir de vivre pour elle et être parfaitement heureuse.
Traduction : "Le célibat est une terrible tragédie, et tu es bien courageuse de réussir à cacher ton mal-être abyssal derrière un sourire".
Bien entendu, le célibat est loin d'être un long fleuve tranquille. Il peut être très douloureux, lorsqu'il est imposé par une rupture, qu'il correspond à la période où l'on apprend à faire son deuil de quelqu'un, ou lorsqu'il nous plonge dans une solitude qui ne nous convient pas.
Mais en réalité, le problème tient au fait qu'on considère systématiquement qu'une femme seule sera malheureuse, alors qu'on a beaucoup moins de mal à accepter qu'un homme célibataire soit heureux. Pour lui, le célibat est synonyme de conquêtes à gogo et de soirées entre amis ; pour nous, de sanglots la tête enfouie dans notre oreiller et de dépression soignée à grands coups de tablettes de chocolat. Sexiste, vous avez dit ?
Ce faux compliment est souvent prononcé par une femme, en couple ou mariée (voire avec des enfants si vous avez décroché le gros lot...). Là encore, cette phrase dénote clairement la négativité qui entache le célibat dans l'opinion générale : ne pas avoir d'homme dans sa vie signifie automatiquement... que l'on n'a rien du tout dans sa vie.
Inutile de préciser que fort heureusement, une femme n'a besoin de personne d'autre qu'elle-même pour rendre sa vie intéressante. Tout comme ces messieurs, c'est une personne à part entière, capable de se construire et de s'épanouir seule - et non pas cette petite chose fragile qui ne peut exister qu'en passant des bras de son père à ceux de son partenaire. Le célibat pour une femme n'est donc pas trou noir, un vide intersidéral ponctué par des torrents de larmes et de désespoir.
Évidemment. On ne peut tolérer le célibat d'une femme... que s'il est temporaire. On nous félicite de ne pas être obnubilée par le décompte de notre horloge biologique, d'avoir la patience d'attendre "le bon", ce prince charmant de pacotille censé venir nous délivrer de nos souffrances (le célibat !).
Qu'on reste célibataire ou non, cette présomption –souvent inconsciente- pose le couple comme un passage obligatoire, un but ultime vers lequel tendre forcément. Au risque, si ça n'est pas le cas, de se voir traiter en marginale, en égoïste ou en ratée. On retrouve cette volonté sociétale de voir une femme passer du statut incomplet de "mademoiselle" à un "madame" bien plus honorable. Que la femme s'accomplisse, d'accord – mais seulement à deux, seulement lorsqu'elle est complétée d'un homme.
Ce "compliment" implique que le célibat est quelque chose d'intrinsèquement stressant et difficile à gérer. Il est vu comme un compte à rebours, au fur et à mesure duquel la princesse et ses ovaires deviennent nerveux à force d'attendre l'élu. On assume automatiquement qu'une femme est célibataire par défaut, qu'elle attend quelque chose de mieux, et on les félicite donc de réussir à vivre sereinement cette situation...sans jamais envisager, encore une fois, que le célibat peut être choisi et non subi.
Et c'est très révélateur du poids de siècles de traditions patriarcales sur nos mentalités modelées par un sexisme normalisé : se battre pour l'égalité des sexes, c'est aussi lutter contre ces petits réflexes automatiques et réactionnaires. Sur la (longue) route pour la parité, restez donc vigilants.