"Xiaojuan". Ou "Petit Juan" en français. Tel est le nom de code employé en Chine par les femmes victimes de violences conjugales pour alerter de leur situation - l'équivalent verbal du point noir dans la paume de la main, autre signal de détresse à relayer illico. Et Xiaojuan, c'est aussi le titre d'une chanson très remarquée du dernier album de Tan Weiwei, qui fait beaucoup parler de lui depuis sa sortie dans les bacs la semaine dernière.
Chanteuse pop chinoise de 38 ans, Tan Weiwei est notamment connue pour sa participation à des télé-crochets populaires dans le pays comme Super Girl. Cela fait seize ans déjà que l'artiste trentenaire évolue dans la sphère musicale, entre albums (elle en a sorti six, dont certains sacrés par les Chinese Music Media Awards) et performances télévisuelles diverses. Mais avec son dernier opus, 3811, elle franchit un nouveau cap.
Notamment avec son morceau Xiaojuan donc, qui lui permet de briser le tabou des violences conjugales, et d'évoquer ouvertement le fléau des féminicides. Rapportées par Courrier International, les paroles parlent pour elles-mêmes : "Souviens-toi de mon nom / Quand cette tragédie cessera-t-elle de se reproduire ?". Impactant.
"Cet album est né pour rendre hommage à toutes ces femmes ordinaires qui, dans leur quotidien, font preuve de grandeur. Je voulais grandir avec elles, aimer ce qu'elles aiment, partager leur tristesse et profiter avec elles de l'inconnu. La chanson entière démystifie et dénonce le patriarcat, appelle à un réveil féministe et insiste pour que le public se souvienne de leurs tragédies", détaille Tan Weiwei dans les pages du South China Morning Post.
Un discours militant et puissant donc. Car non content d'évoquer violences conjugales et féminicides, c'est le système patriarcal en son entier que la chanteuse désire dénoncer au fil de ses paroles. Comme le décrypte le South China Morning Post, l'interprète emploie effectivement un vocabulaire très "slut shaming" à base de "changji" ("prostitution") et autres "biao" ("chienne"), expressions très misogynes, afin de faire entendre la condition des femmes en Chine et - par extension - la nécessité de leur soulèvement collectif.
Si d'aucuns voient à travers les paroles une allusion à l'assassinat de la jeune vlogueuse Tibétaine Lhamo, brûlée vive par son ancien conjoint, c'est à un fléau plus global que se réfère Tan Weiwei : la réalité et surtout l'augmentation des violences conjugales en Chine avec le confinement. Car les témoignages de femmes (mais aussi d'enfants) victimes, se sont multipliés ces derniers mois...
- Si vous êtes victime ou témoin de violences conjugales, appelez le 3919. Ce numéro d'écoute national est destiné aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés. Cet appel est anonyme et gratuit 7 jours sur 7, de 9h à 22h du lundi au vendredi et de 9h à 18h les samedi, dimanche et jours fériés.
- En cas de danger immédiat, appelez la police, la gendarmerie ou les pompiers en composant le 17 ou le 18.