Lydia Tár existe-t-elle vraiment ? La question est sur toutes les lèvres alors que Tár s'apprête à débarquer dans nos salles obscures ce 25 janvier. Ce drame psychologique signé Todd Field raconte l'histoire d'une cheffe d'orchestre prodigieuse mais tyrannique, incarnée par Cate Blanchett. Rôle majeur pour l'actrice puisqu'il lui a déjà valu un Golden Globe et un sacre à la dernière Mostra de Venise, où elle a remporté la Coupe Volpi de la meilleure actrice. Elle est également favorite aux Oscars 2023.
Mais le film ne suscite pas que l'enthousiasme. Il engendre également la perplexité et l'indignation. Et notamment car certaines personnalités pourraient voir en ce personnage de fiction leur transposition inavouée à l'écran. D'autant plus dérangeante que l'oeuvre en question ne ménage pas vraiment sa protagoniste, volcanique et virulente - un peu comme le professeur violent du Whiplash de Damien Chazelle.
Parmi les voix indignées par ce portrait, on retrouve Marin Alsop, cheffe d'orchestre américaine saluée dans le monde entier. La maestra, qui au cours de sa longue carrière a aussi bien dirigé à Vienne qu'à Venise, se serait reconnue dans le personnage de Lydia Tár. Un écho qui est (très) loin de l'avoir réjouie...
"Quand j'en ai entendu parler de ce film pour la première fois fin août, j'étais choquée parce que je n'étais pas au courant. Il y a tellement d'éléments qui sont alignés sur ma propre vie. Mais une fois que je l'ai vu, je n'étais plus inquiète, j'étais offensée. En tant que femme, cheffe, en tant que lesbienne. Avoir l'opportunité de parler d'une femme dans ce rôle et de faire d'elle une agresseuse, ça m'a brisé le coeur", a fustigé la cheffe auprès du Sunday Times.
Marin Alsop dénonce encore la teneur de ce portrait peu mélioratif : "Je pense que toutes les femmes et toutes les féministes devraient être gênées par ce genre de représentation". Elle accuse notamment le réalisateur Tood Field de suggérer que certaines cheffes "se comporteraient de la même manière que certains hommes" ou bien qu'elles "deviendraient hystériques et folles". Une charge pour le moins critique donc.
Histoire vraie ou pas ? Certains pointent du doigt une certaine ambiguïté : "La manière dont le film est narré est suffisante pour faire croire à n'importe quel spectateur qu'il est basé sur de vrais événements, ce qui a été fait intentionnellement. De nombreux spectateurs ont admis avoir cru que Lydia Tár était une vraie personne. Le film et l'équipe marketing sont responsables du fait de tromper le public en lui faisant croire que quelque chose est vrai alors que ce n'est pas le cas", observe le site Movie Web.
Mais de son côté, Cate Blanchett nie formellement l'existence de Lydia Tár. L'actrice australienne explique sur les ondes de ClassicFM : "Je n'ai basé le personnage de Lydia Tár sur personne en particulier. J'ai autant pensé à l'essayiste et militante américaine Susan Sontag en tant qu'intellectuelle publique, qu'à la compositrice Alma Mahler. Ce film est avant tout un examen de la nature corruptrice du pouvoir institutionnel. Cela affecte tout le monde, peu importe votre orientation sexuelle ou votre sexe".
Pour Cate Blanchett toujours, Tár "n'est pas vraiment un film sur la musique classique puisque personnage aurait pu facilement être un architecte ou un patron d'une grande banque". En somme, oui, d'une certaine manière, la cheffe d'orchestre Lydia Tár existe bel et bien. Mais elle pourrait être n'importe qui.