Boulot, dodo, mais sans métro. Depuis un peu plus de deux semaines, la routine des Français est chamboulée. Confinés pour tenter d'enrayer l'épidémie de coronavirus dans le pays, ils ont dû faire face à quelques réajustements, notamment leur manière de s'habiller, en particulier ceux qui peuvent travailler à domicile.
Qu'est-ce qu'on se met sur le dos ? Chez certain·e·s, pas question de bousculer les habitudes. Mieux, c'est l'occasion rêvée de tester de nouvelles tenues. D'autres, au contraire, y voient le moment propice pour souffler et sortir du placard ce vieux jogging troué avec lequel ils traînent tous les week-ends.
Sarah, elle, a opté pour un sweat-shirt noir à capuche. Pas n'importe lequel. C'est celui qu'elle a hérité de son cousin quand elle était ado. En séjour à la montagne ou chez ses parents, il ne la quitte jamais. Il est ample et confortable, mais lui rappelle aussi ce membre de la famille qu'elle a longtemps considéré comme un frère.
Quand les mesures de confinement sont annoncées, lundi 16 mars, la trentenaire n'hésite pas une seconde avant de mettre ledit vêtement dans sa valise pour rejoindre sa copine chez elle, en banlieue parisienne, pour les quelques semaines à venir. "J'aurais été très malheureuse [sans lui]", souffle la journaliste.
Comme elle, Émilie, blogueuse mode influente de la capitale, se raccroche en ce moment à une pièce. Pas des plus confortables pour rester chez soi ni propre à son style vestimentaire habituel (la jeune femme porte des robes), c'est un jean vintage.
Acheté sur Vinted, il est arrivé pile poil le jour où le site a décidé de clôturer les commandes "non nécessaires". "J'ai tapé un sprint pour récupérer le colis de la gloire", ironise-t-elle. Depuis, elle ne s'en sépare plus (ou presque). Pourquoi? Par frustration, peut-être. À défaut de pouvoir "être une bombe avec dehors", elle le rentabilise chez elle.
"Est-ce que ce ne serait pas lié au fait que c'est aussi la dernière fringue que je me suis procurée avant cette longue période de non achat qui nous attend?", se demande la passionnée de mode.
Dans son cas, comme dans celui de Sarah, le vêtement qu'elles ont choisi n'est pas qu'un simple bout de tissu. Il a une valeur symbolique forte et réconfortante. Il leur rappelle à chacune des éléments de leur vie pré-confinement, la place qu'elles occupent dans la société.
"Tout ce qu'on met raconte une histoire", souffle au HuffPost la psychothérapeute Catherine Bronnimann. Son livre La robe de Psyché, un essai qui tisse les liens entre la psychanalyse et la mode, est paru en 2015 chez L'Harmattan.
La période, inédite pour elles comme pour beaucoup de Français, peut nous laisser "imaginer qu'on va toutes et tous connaître un seuil d'angoisse qui va se déclencher plus ou moins fort selon les personnes", suggère Bénédicte Régimont, autrice en psychologie de l'habitat, interrogée par Le HuffPost. "C'est flou. On risque d'être à fleur de peau."
L'expression prend tout son sens au regard des habits dits "confortables". "On va avoir besoin de s'envelopper dans des matières douces pour se réchauffer et dans des formes amples pour libérer le corps", explique la spécialiste. Comme l'est notre intérieur, nos vêtements sont "une forme d'habitat", précise Catherine Bronnimann.