Les jours passent, les dates aussi, et pourtant, les protagonistes de nos rendez-vous semblent tragiquement similaires. Sur les deux dernières années, on a accepté de partager quelques verres/nuits/mots doux avec trois personnes bien distinctes qui n'avaient, au fond, rien de très différent.
Certes, l'un était libraire nantais, l'autre banquier parisien fan de ska (OK, on a cherché) et le dernier en reconversion charpentier originaire du Doubs. Mais leur caractère et son effet - négatif - sur notre bien-être résonnaient à chaque fois comme une ritournelle qu'on connaissait déjà par coeur. Comprendre : on rejouait les mêmes histoires avec les mêmes profils, encore et encore.
On se découvrait, on se plaisait, on pensait mener la danse et on finissait par pâtir de la peur de l'engagement de l'autre, qui avait toujours le don de nous laisser tomber comme une vieille chaussette un dimanche d'été en nous expliquant, fuyant, "ne pas être prêt" à être en couple - quand il n'avait pas l'audace de nous ghoster.
De quoi nous faire perdre une foi certaine en l'humanité, ou du moins, en une perspective de rencontre qui ne se terminerait pas en noeud de boudin. C'est là qu'on est tombée sur l'explication d'un phénomène qui a fait écho très fort en notre demeure : le "groundhogging".
Littéralement, le terme vient du mot anglais "groundhog", qui signifie "marmotte". Rien qui ne trahisse sa signification jusque-là, mais les cinéphiles auront saisi la référence : il s'agit d'un clin d'oeil lourd de sens à la romcom culte Groundhog Day, de Harold Ramis avec Bill Murray et Andie MacDowell. En français, le titre se traduit par Un jour sans fin, puisque l'on suit un présentateur météo aigri dont la journée se répète inlassablement. Evocateur.
"L'expression renvoie à l'idée que les gens recherchent le même type de personne encore et encore, tout en s'attendant à des résultats différents", décrit l'application Inner Circle, qui entend encourager ses utilisateurs et utilisatrices à, non pas changer de cheval, mais plutôt d'écurie. "On choisit une personne qui correspond à notre type idéal, on la fréquente, mais on finit par être déçu·e. Au lieu de sortir de ce cycle, lorsqu'on se tourne à nouveau vers les applications de rencontre, on continue de swiper vers une autre personne qui correspond au même profil. Le cycle du 'groundhogging' reprend".
Sommes-nous donc en train de vivre notre propre Jour sans fin sauce dating ? Assurément. Y a-t-il une façon d'y échapper une bonne fois pour toutes ? Heureusement.
Ce qu'il faut réaliser avec ce schéma qu'on répète à l'infini - plus ou moins consciemment - c'est qu'il éloigne nos chances de trouver quelqu'un·e de bien. Plus on se conforte dans cette idée qu'on a "un genre", plus on écarte des opportunités sentimentales qui pourraient nous rendre la vie plus douce, lorsqu'on souhaite la mener accompagné·e.
Toujours d'après Inner Circle, "avoir un genre" est justement la conviction de 72 % de répondant·es à son sondage sur le sujet. Des critères physiques d'une part qui, rappelle à juste titre la plateforme, "ne [devraient] pas constituer un type. Ces facteurs ne favorisent pas une meilleure conversation ou une connexion plus forte". Mais aussi des caractéristiques psychologiques ou comportementales qui, à voir les résultats probants, n'annoncent rien qui vaillent.
Alors, on fait quoi pour briser ce cercle clairement vicieux ?
Déjà, on essaie de se débarrasser de notre attirance pour l'archétype moisi jusqu'à la moelle du bad boy, renforcée par des années d'oeuvres culturelles qui nous ont lavé le cerveau comme il faut, et on revoie nos priorités. Quelles sont les qualités chez une personne qui nous font du bien ? Qui nous séduisent sans être toxiques ? Qui correspondent à notre personnalité ? Qu'on mérite ?
On ne parle en aucun cas de se contenter d'une relation qui ne nous fait pas vibrer mais ne nous blesse pas non plus, mais d'élargir nos horizons en s'intéressant à de potentiel·les love interests qu'on n'aurait pas remarqué·es de prime abord. Parce que trop borné·e à nos certitudes amoureuses. Et puis, on en profite pour rendre ses lettres de noblesse à la gentillesse, trop longtemps reléguée au rang de faiblesse quand en fait, elle devrait être le ciment de n'importe quelle relation.
On se persuade aussi qu'on vaut le coup de tomber sur celui ou celle qui partagera notre quotidien l'espace de quelques semaines, de quelques mois ou de quelques années, avec autant de respect, de bienveillance et d'humour que de papillons dans le ventre (pas incompatible, préfère-t-on souligner).
A ce moment-là d'ailleurs, on s'en foutra complètement, de vivre un jour sans fin. Et même, on en redemandera.