Serpent de mer de la vie politique française depuis plus de 30 ans, la question du droit de vote des étrangers est une nouvelle fois au centre des débats et divise jusque dans la majorité. Dans une tribune dans le journal Le Monde daté de ce mardi, 75 députés socialistes, toutes tendances et générations confondues, exhortent ainsi François Hollande à tenir sa cinquantième promesse de campagne. « Le temps presse, écrivent ces élus. La réforme doit intervenir rapidement, pour que l'on se donne les moyens de l'appliquer lors des prochaines municipales. » Et de poursuivre : « A celles et ceux qui nous disent que c'est trop tôt, et qu'il faut prendre son temps, nous répondons que c'est en commençant maintenant que nous aurons la possibilité de prendre notre temps pour faire cette réforme » car elle « ne se fera pas en un jour ». En effet, une telle réforme nécessiterait de changer l'article 3 de la Constitution selon laquelle les électeurs sont les nationaux français majeurs.
Quoi qu’il en soit, les sénateurs PCF ont eux aussi demandé un examen rapide du texte, et les alliés écologistes d’Europe Ecologie Les Verts souhaitent eux aussi une instauration rapide de cette réforme, exigeant du gouvernement de « tout mettre en œuvre pour que la loi constitutionnelle soit menée à terme avant l’été 2013 ». D’ailleurs, sur le plateau de France 2, Cécile Duflot ministre du Logement et ancienne secrétaire nationale d’EELV, s’est exprimée sur l'élargissement du droit de vote aux étrangers non communautaires pour les élections locales : « C'est une nécessité, c'est une promesse du président de la République, ce sera fait l'année prochaine ». Sur son compte Twitter, @AVidalies, le ministre chargé des Relations avec le Parlement a pour sa part fait savoir que « l'engagement "droit de vote des étrangers" sera tenu avant la fin de la législature, probablement en 2013 pour application en 2014 ».
Pas une priorité pour Manuel Valls qui craint la division
Une éventualité qui ne réjouit guère Manuel Valls. Déjà, lors des universités d’été PS à La Rochelle, le ministre de l’Intérieur s’était fait acclamer en déclarant que le droit de vote des étrangers n’était pas une priorité. Dans le quotidien Le Monde de ce jour, il réaffirme son point de vue. Pour lui, il ne s’agit ni d’une « revendication forte de la société » ni même d’un « élément puissant d’intégration ». En outre, le premier flic de France met aussi en garde contre le risque d’une « jonction droite-extrême droite sur ce sujet. Il faut bien évaluer les conséquences d’un référendum, pas seulement en termes de résultats mais aussi de déchirure dans la société française. Ce débat risque de provoquer des fractures. Dans un moment de crise, on voit bien comment cela peut être utilisé », prévient-il.
Toutes ces dissonances au sommet de l’Etat sont bien sûr du pain béni pour la droite, qui n’a pas tardé à s’immiscer dans les débats. Ainsi, lundi soir, lors d’un meeting à Boulogne-Billancourt dans les Hauts-de-Seine, François Fillon a demandé « solennellement » à François Hollande de renoncer à son projet, raconte Lefigaro.fr. « Je lui demande d'être à la hauteur de ses fonctions, il est le garant de l'unité nationale, il sait que ce sujet va créer un débat très violent à l'intérieur de notre pays, il sait que c'est un sujet qui va diviser profondément les Français au moment où on n'a pas besoin de se diviser parce que c'est déjà suffisamment difficile comme ça », aurait lancé l’ancien Premier ministre. « S'il est à la hauteur de la responsabilité qui lui a été confiée par les Français, même si sa conviction, c'est que les étrangers doivent avoir le droit de vote aux élections locales, il doit retirer ce projet de loi. »
Avant lui, le secrétaire général de l’UMP Jean-François Copé avait sommé le chef de l’Etat de « clarifier ses intentions » à un moment où, selon lui, se « multiplient les pratiques communautaristes ». Reste que pour l’heure, la question du droit de vote des étrangers n’est pas inscrite à l’ordre du jour du calendrier d’automne du Parlement.
Crédit photo : AFP
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