Instagram est un terrain de jeu infini pour ceux et celles qui ont de la créativité et qui veulent faire passer un message. On connaissait déjà la comédienne australienne Celeste Barber qui s'amuse à reprendre les poses étranges des mannequins des publicités ou posts Instagram. Mais sa démarche n'est pas d'humilier : "Je suis vraiment une pro-femme. Je ne veux pas basher des gens comme Kim Kardashian. En vrai, je me dis 'Cool pour cette fille'. Je pense même qu'elle est une femme d'affaires très intelligente."
Sur le même principe, le compte Instagram français em.ratées parodie les poses de la "it girl" Emily Ratajkowski aka @emrata. Lancé le 10 juin, le slogan du compte est : "Voici les Emily Ratées. Sosies de @emrata mais en mieux." Avec sa silhouette ultra-fuselée et sa poitrine de pin-up, Emily Ratajkowski est considérée comme l'une des femmes les plus sexy au monde par les magazines masculins.
Mais contrairement aux apparences, le compte Em.ratées ne souhaite pas se moquer d'Emily Ratajkowski, ni de ses attitudes sur le réseau social : "On respecte le travail d'Emily Ratajkowski. Ce qui est intéressant, c'est qu'elle s'assume pleinement, mais à côté de ça il y a ce regard qui est porté sur elle comme un idéal féminin. C'est cela que nous 'dénonçons'. Nous, on utilise l'humour pour montrer qu'il est absurde d'y voir un idéal et que la beauté est partout."
Le compte a été créé à l'initiative de Manon Vincent, 24 ans, qui travaille comme auto-entrepreneur dans la communication digitale. Elle a été rejointe par ses amies : "Sur une blague, un jeu de mots et des convictions. Parfois, il faut se lancer, c'est comme ça qu'em.ratées est né !"
Sans être un ou une Instagrammeuse assidu.e, même le commun des mortels veut donner la meilleure image de sa vie. D'où le biais de ce réseau social qui repose sur l'apparence, le paraître. Mais sans dénoncer la superficialité, em.ratées veut pointer du doigt les stéréotypes de beauté : "Nous voyons toujours le même type de physique, la beauté repose sur des critères très précis : la minceur, la taille des seins, le galbe des fesses, l'absence totale de pilosité ... Et c'est encore pire à l'approche de l'été comme l'a si bien dénoncé Laura Calu avec #objectifbikinifermetagueule !"
Cette youtubeuse avait lancé un mot-clé sur les réseaux sociaux pour dénoncer la dictature du "beach body ready" (ou "corps prêt pour la plage"), en partageant les photos d'internautes en maillot de bain qui assument leur corps. La créatrice de em.ratées Manon Vincent ajoute : "Em.ratées veut donner confiance, montrer que le défaut que tu vas voir sur toi peut être considéré par les autres comme une qualité. La beauté est subjective. Notre objectif est de déconstruire l'image de cette femme que l'on veut nous faire croire parfaite. On est toute parfaites mais personne ne nous le dit jamais !"
Le mannequin Emily Ratajkowski a souvent été critiquée sur sa vision du féminisme. Pour certain·e·s, se montrer quasiment systématiquement dénudée dans des positions suggestives sur les réseaux sociaux n'est pas du féminisme. Mais comme le rappelle Manon Vincent, "on peut être féministe et montrer son corps sur les réseaux sociaux et où on le souhaite d'ailleurs [...] Emily Ratajkowski est féministe, elle l'a prouvé avec son essai Baby Woman. Elle se sent belle, forte, sexy et l'assume !"
Baby Woman, sorti en 2016 dans Lenny, la newsletter de l'actrice Lena Dunham, Emily Ratajkowski racontait comment elle avait dû composer à l'adolescence avec son corps de femme s'étant développé très tôt et le regard des autres. Elle y analysait aussi la différence entre être vulgaire et être sexy : "Les gens partent du principe que les femmes sensuelles sont vulgaires, parce qu'être sexy signifie jouer avec les désirs des hommes [...] Pour moi, 'sexy' est un genre de beauté, une sorte d'expression individuelle, qui doit être célébré et qui un signe merveilleux de féminité."
En France, on pourrait citer Clara Morgane, devenue businesswoman de son image, qui a aussi dû subir les critiques. Mais dire à une femme de se rhabiller n'est-il pas le premier pas vers un contrôle de la liberté de chacune ? Au sujet d'Emily Ratajkowski, Manon Vincent la défend : "C'est une femme indépendante qui ne veut pas être réduite à un simple objet sexuel, mais être désirée et se sentir sensuelle quand elle l'a choisi ! C'est très important comme message car il s'agit de son corps, elle l'assume mais en a la totale propriété, comme nous toutes."
Les animatrices du compte ont leurs Instagrameuses préférées, comme @Ellemady aka Marion Seclin : "Pour les valeurs qu'elle porte et son sens de l'humour". Elles apprécient aussi le compte de Jameela Jamil @I_weight ("Je pèse") qui met en avant toutes les femmes "et n'importe quel compte mettant en avant le body positive par exemple (@darth_bador ou @tasselfairy par exemple). Il y a de nombreuses influenceuses aux messages inspirants, il faut les encourager !"
Contrairement au compte Instagram parodique de Celeste Barber, tout le monde peut participer à Em.ratées, alors n'hésitez pas à leur envoyer vos photos.