Pourriez-vous imaginer votre appartement sans toilettes ? Dans notre pays, la question laisse sans voix, tellement elle semble aberrante. En Inde pourtant, le fait d'avoir des toilettes chez soi peut se révéler un luxe... mais cela n'en reste pas moins un droit fondamental. C'est ce qu'une Indienne a rappelé à tout le pays et au reste du monde en demandant le divorce et en obtenant gain de cause. Le rapport avec les toilettes ? Son mari n'avait pas jugé bon ou utile d'en installer au sein de leur domicile.
En charge de l'affaire, le juge Rajendra Kumar Sharma, qui a validé la requête de divorce le vendredi 18 août, a dénoncé la situation "honteuse" de cette Indienne qui selon lui s'apparente à de la "torture", a expliqué l'avocate Rajesh Sharma à l'AFP. Le juge a également précisé que les femmes dans les villages enduraient généralement des douleurs physiques en attendant que l'obscurité tombe pour aller se soulager à l'extérieur de leurs foyers. Rappelons qu'en Inde, les seuls motifs de divorce reconnus par la justice sont la maltraitance, la violence ou les demandes financières injustifiées.
Cette affaire n'est pas sans précédent. L'année dernière, une autre Indienne avait obtenu le droit d'annuler son mariage car ses beaux-parents refusaient de faire installer des toilettes dans leur maison. Selon des chiffres de l'Unicef, 70% des foyers indiens ne disposent pas de toilettes. Pour remédier à ce problème majeur de santé publique, le premier ministre indien Narendra Modi a promis la construction de toilettes dans chaque foyer d'ici 2019. Si ce phénomène s'explique majoritairement par des raisons de pauvreté, certains sociologues indiquent que cela est également lié à une croyance culturelle très présente en Inde selon laquelle les toilettes intérieures sont considérées comme "impures".
En Inde, toute décision d'ordre financier ou matériel (comme installer des toilettes dans la maison) incombe au mari. En effet, le culte du patriarche est si présent que les épouses n'ont même pas le droit d'appeler leurs maris par leurs prénoms."Le mari est presque considéré comme l'égal de Dieu. Dans les mariages classiques, il vient souvent d'une caste supérieure à celle de la femme. C'est aussi lui qui subvient aux besoins de la famille. Si on ajoute à ça le fait qu'il est aussi souvent plus âgé, on comprend mieux ce qui pousse la société traditionnelle à le mettre sur un piédestal", explique à Mashable et à France 24 , Aninhalli Vasavi, anthropologue et sociologue indienne.
En octobre 2016, Rohini Pawar, une habitante d'un village dans l'ouest du pays a pris l'initiative d'appeler son mari par son prénom pour la première fois après 16 ans de mariage. Devant la réaction plutôt positive de son époux, celle-ci a encouragé les autres habitantes à en faire de même. L'appel a porté ses fruits puisque plusieurs femmes se sont prêtées au jeu. Mais malheureusement, l'expérience n'a pas été réussie pour toutes : l'une d'entre elles raconte s'être pris une gifle après avoir crié le prénom de son mari en rentrant chez elle.
Si cette tradition sévit encore beaucoup dans les zones rurales, elle est cependant de moins en moins appliquée dans les villes, où le marché de l'emploi tend à se féminiser et où les mariages arrangés commencent à céder la place aux mariages d'amour. Pour Rohini Pawar, son intiative peut paraître symbolique mais se révèle pourtant essentielle pour combattre l'inégalité des sexes au sein du pays : "Les gens nous demandent pourquoi c'est si important pour nous d'inciter les femmes à appeler leur mari par son prénom. C'est peut-être un détail, mais c'est par les soi-disant détails que l'on peut changer de plus grandes choses, non ?"