Elle s'appelait Neelam Kumari Gautam. Le 5 juin dernier, elle aurait du accoucher à New Delhi, en Inde. Mais non. D'un hôpital à l'autre, elle et son mari se sont systématiquement vus interdire l'entrée au sein de ces établissements. Alors qu'elle souffrait de terribles douleurs depuis quelques heures déjà (la grossesse avait provoqué en elle une très sévère hypertension artérielle un mois plus tôt), et en dépit des angoisses légitimes de son conjoint, le couple fut constamment rejeté, et même menacé de violences physiques de la part du personnel médical.
Neelam Kumari Gautam n'a pas pu être prise en charge : pas moins de huit hôpitaux ont exigé son départ. Elle est finalement morte, des suites de ces complications, sans avoir pu accoucher. Elle n'avait que trente ans.
C'est le New York Times qui nous raconte son éprouvante histoire l'espace d'un long reportage. Un fait divers édifiant s'il en est. Et la preuve dramatique, comme l'énonce l'ONU, que les femmes sont bien souvent les premières victimes des crises sanitaires majeures. Incompréhensible, la mort de Neelam Kumari Gautam est une tragédie de plus pour un pays peu connu pour son respect des droits des femmes.
"Je vais vous gifler si vous enlevez votre masque", aurait déclaré l'un des médecins récalcitrants au jeune couple, comme le relève encore le magazine Marianne. Le contexte exceptionnel de pandémie mondiale aurait exacerbé les tensions ressenties : au gré des hôpitaux publics surchargés du pays et des personnels soignants débordés croisés sur son chemin, Neelam Kumari Gautam aurait subi refus, malveillance, agressivité. Nulle aide, attention médicale ou assistance respiratoire d'urgence accordée au cours de ce calvaire. Et ce malgré les avertissements et supplications réitérées par son époux : "elle va mourir, emmenez-la !".
"Je vais mourir. Pourquoi ne m'accueillent-ils pas ?", se serait même attristée la victime auprès des professionnels de la santé. Pourtant, du côté des médecins incriminés, et suite à l'intervention de la police locale, nulle culpabilité exprimée quant au sort de celle qui finira par mourir après quinze longues heures de déambulation désespérée. Mais son époux ne compte pas en rester là. Une enquête a déjà été ouverte par le gouvernement indien, et les divers responsables hospitaliers ont été reconnus coupables de négligence. Cette non-assistance, certains la nient encore cependant, comme le directeur Ravi Mohta, qui l'assure dans les pages du New York Times : "Nous avons fait ce que nous avons pu".
En Inde, le coronavirus rend plus aiguës encore les évidentes discriminations et oppressions vécues par les populations les plus invisibilisées et marginalisées. Victimes d'une véritable crise sociale, les plus précaires se voient ainsi abandonnés et violentés par les forces de l'ordre, soumis à l'injonction d'un confinement qu'ils ne peuvent respecter, au vu de leur situation d'extrême pauvreté. Quant aux femmes, l'on s'en doute, leur condition ne s'améliore pas. Il y a quelques mois de cela, de nouvelles situations d'humiliation et d'agressions sexuelles, faites sur des jeunes femmes étaient encore révélées dans les médias.
Sans oublier ce récent reportage du Journal du Dimanche, dévoilant une réalité toujours plus alarmante : l'Inde connaîtrait un nombre record d'agressions sexuelles, avec plus de 30.000 cas recensés en un an. Un constat que le confinement national n'a que peu bouleversé. C'est une évidence, le décès tragique de Neelam Kumari Gautam n'a malheureusement rien d'un "fait divers" : il se fait l'écho d'une situation plus globale, désespérante pour la santé et la sécurité des femmes.