« Je vais le dire encore une fois », a affirmé la républicaine Virginia Foxx, de Caroline du Nord, « nous ne nous en prenons pas à la santé des femmes ». Adopté à 227 voix contre 188, le texte constitue pourtant, selon la démocrate Barbara Lee (Californie), une « nouvelle bataille dans la guerre contre les femmes ». Judicieusement intitulé « Pas de Fonds Publics pour l’Avortement » (PFPA), la loi est similaire à l’amendement Hyde, qui restreint le financement fédéral dans certains cas d’avortement (sauf viols, danger de mort et inceste). Seul problème pour les républicains (dont un seul a voté « non » mardi), cet amendement doit être renouvelé tous les ans, contrairement à une « véritable » loi. De plus, celle-ci devait leur permettre de resserrer les rangs et de satisfaire une base électorale plutôt conservatrice. Du moins, si tout s'était passé comme prévu.
En effet, selon la réforme dite « Obamacare », des crédits d’impôt sont accordés aux américains modestes et aux petites entreprises qui souscrivent à certaines assurances, notamment privées. Si le PFPA était approuvé, ceux-ci ne pourraient alors plus en bénéficier. Mais des couacs ont d'ores et déjà éclaté dans la communication du parti à l’éléphant, l’obligeant à conseiller certains de ses cadres masculins. Charlie Dent, représentant républicain pour la Pennsylvanie, a même ajouté: « Voilà ma suggestion quant à la stratégie de communication de certains de ces types. Cinq mots : Fermez vos *bip* de gueules ! ». De toute façon, Barack Obama a promis son véto présidentiel contre le texte s’il était définitivement adopté par le congrès, c’est-à-dire représentants + sénateurs. « End of the story? »
Non, car on ne peut s’empêcher de penser à la situation en Espagne, où l'on s’apprête à restreindre le droit à l’avortement (et pas simplement son remboursement). Selon l’avant-projet de loi présenté fin 2013, celui-ci ne sera plus possible qu’en cas de viol ou de menace « durable ou permanente » sur la santé physique ou psychique de la mère. Un risque qui devra en outre être certifié par deux médecins différents, extérieurs à l'établissement qui pratiquerait l'IVG. Enfin, la candidate devra respecter une « période de réflexion», et une consultation obligatoire avec les services sociaux pour discuter des « alternatives ». Soutenu par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy, ce retour au statu quo ante bellum a provoqué une levée de boucliers dans toute l’Europe. De plus, selon un sondage Sigma Dos, 62% des espagnols y seraient opposés.
Mais la patrie de Marianne est également concernée, dans une moindre mesure, avec la « Marche pour la vie » du dimanche 19 dernier. Entre 16 et 40 000 manifestants ont battu le pavé pour protester contre une modification de la loi Veil de 1975, finalement adoptée le 21 janvier. Celle-ci a supprimé la notion de « détresse » nécessaire à l’avortement pour la remplacer par le fait de ne « pas vouloir poursuivre une grossesse». Une notion de toute façon inutilisée en pratique, malgré le fameux « risque de banalisation » avancé par les manifestants. De la même manière, seize députés du groupe UMP, quasiment tous membres de « L'Entente parlementaire pour la famille », ont déposé le 16 janvier un amendement en faveur du déremboursement de l’IVG. Celui-ci a été rejeté, mardi 21 janvier, avec 142 voix contre, 7 pour et 4 abstentions. « Une initiative isolée » s’est défendu Jean-François Copé. Isolée dans plusieurs pays?
Nicolas PIERRE