Lors des premiers JO, durant l'Antiquité, les femmes devaient se contenter des tribunes. Et près de 2000 ans plus tard, lorsque le baron Pierre de Coubertin a ressuscité cet événement en 1896, les mentalités n'ont guère changé : pour lui, les JO constituent "l'exaltation solennelle et périodique de l'athlétisme mâle avec [...] l'applaudissement féminin pour récompense", rapporte Pierre Lagrue dans son article "Les Femmes et les jeux" sur Universalis. Aujourd'hui, elles sont plus de 4700 à se battre pour remporter une médaille.
Et c'est bien là toute la magie des JO : chaque médaille raconte un combat, chaque victoire se pare d'une aura historique. Pendant deux semaines, cette compétition nous offre un aperçu de notre monde et des mentalités qui le régissent à travers le prisme du sport. Entre les exploits sportifs se tisse une histoire plus intime, celles des défis humains et idéologiques relevés par les athlètes.
Et les femmes ne sont pas en reste : dans le milieu du sport de haut niveau, élitiste et historiquement masculin, les femmes ont dû se battre pour avoir leur place sur le podium. Chaque victoire féminine est une victoire féministe. Et si les JO de Rio viennent de s'achèver, le combat pour l'égalité des genres est loin d'être terminé, comme le montre malheureusement la pluie de commentaires sexistes et dépréciateurs des médias au sujet des athlètes féminines. Mais on peut prendre un moment pour célébrer ces six moments où c'est le girl empowerment qui s'est paré de lauriers.
Cette jeune prodige, qui a conquis les foules par son énergie, ses sourires et ses sauts vertigineux (ainsi que ses selfies avec Zac Efron !), est désormais considérée comme la meilleure gymnaste au monde après avoir remporté pour la troisième fois d'affilée la médaille d'or en gymnastique artistique individuelle le 11 août.
La coqueluche du public a mouché en direct les commentateurs sportifs de Sporting News, qui pensaient lui jeter des fleurs en la comparant sans cesse à des athlètes masculins : "Je ne suis pas le prochains Usain Bolt ou Michael Phelps. Je suis la première Simone Biles". Du haut de ses 19 ans et de son 1m45, elle ne se laisse pas marcher sur les pieds et rappelle à tous que le nom d'une femme aussi peut être synonyme d'excellence.
Après avoir remporté pour la deuxième fois le titre de champion olympique en tennis, Andy Murray s'est offert le titre d'athlète masculin le plus sympathique des JO. En effet, NPR rapporte que lorsqu'un journaliste de la BBC lui a demandé ce que ça faisait d'être "la première personne à avoir gagné deux médailles olympiques au tennis", le sportif écossais a immédiatement rétorqué : "Venus et Serena en ont gagné quatre chacune".
Ce redoutable smash verbal a fait figure de rappel à l'ordre pour les commentateurs sportifs, qui ont eu tendance à plus parler du maquillage des athlètes féminines que de leurs capacités sportives, et à oublier leurs exploits face à ceux de leurs collègues masculins.
Quatrième en 4x100m individuel, cette nageuse chinoise, adulée du public grâce à ses mimiques à la sortie de l'eau et son humour, a déclenché un véritable phénomène en parlant lors d'une interview de la manière dont ses règles l'handicapaient. Sa franchise nous a permis d'ouvrir enfin les yeux sur les tabous qui pèsent sur les femmes en Chine : à cause d'un retard phénoménal en matière d'éducation sexuelle, seules 2% des femmes chinoises utiliseraient des tampons ou des serviettes, d'après une étude publiée par The Guardian.
L'histoire est (tristement) semblable à celle de Simone Biles : dès qu'une femme bat des records olympiques ou s'impose sur la scène sportive, les médias s'empressent de la comparer à des athlètes masculins pour la glorifier, comme le souligne le Telegraph. Le sous-entendu est clair : quand une femme fait quelque chose bien, elle le fait "comme un homme".
C'est pourquoi on a savouré la réaction du présentateur de NBC, Rowdy Gaines, qui a rendu justice à l'incroyable nageuse : "Certains disent que Katie Ledecky nage comme un homme; mais Katie Ledecky nage comme Katie Ledecky !". La nageuse venait de battre son propre record mondial sur le 800m nage libre : elle nage bien comme une femme -c'est-à-dire, encore plus vite.
La lutteuse de 23 ans n'a pas seulement gagné la médaille de bronze dans sa catégorie : elle est aussi devenue une véritable héroïne dans son pays. La jeune femme vient d'Haryana, tristement célèbre pour être l'une des régions d'Inde où les taux de féminicides et de viol sont les plus élevés. Sa victoire et son exposition médiatique ont fait d'elle le symbole de la lutte contre ces atrocités : "Voilà ce qui peut arriver lorsque vous ne tuez pas une petite fille", a tweeté le joueur de criquet indien Virender Sehwag.
Combattre sur le ring n'est qu'un prolongement de sa perpétuelle bataille, dans un pays où la violence contre les femmes et la discrimination sont devenues habituelles : Sakshi Malik est l'emblème de toutes les femmes indiennes qui se battent pour avoir le droit d'exister. Et on ne peut que la saluer pour cela.
La nette supériorité de l'équipe féminine de basket ne semblait pas être au goût de tous. Selon certains, rapporte le Huffington Post, leur domination "nuirait" au basket féminin.
Mais leur entraîneur Geno Auriemma a vertement répondu à ces insinuations sexistes, en soulignant que personne ne s'était jamais inquiété de la domination d'une équipe masculine : "Nous vivons dans une ère trumpienne, où c'est normal d'être sexiste et de dégrader les gens qui sont bons simplement parce qu'ils sont du sexe opposé. Nous sommes ce que nous sommes. Nous ne nous excuserons jamais d'être aussi bons. [...] Ce qui est mauvais pour les femmes en basket serait que personne ne soit excellent, parce que là, les gens diraient : 'Tu sais quoi ? Je ne pense pas qu'une femme puisse jouer au basket'!".
Parce que non, l'excellence ne devrait pas devenir une menace dès qu'elle vient d'une femme !