En Jordanie, le harcèlement fait partie du quotidien des femmes. Dès le moment où celles-ci quittent leur maison ou appartement, elles sont en effet confrontées à des gestes ou des paroles déplacés, quand les hommes ne cherchent pas carrément à les cueillir sur le bord de la route à bord de leurs véhicules.
Ce phénomène s'est amplifié à partir des années 80, quand de plus en plus de Jordaniennes ont commencé à travailler en dehors de chez elle et à se déplacer sans être accompagnées par leur époux ou un homme de la famille. Pour autant, le harcèlement sexuel que subissent les femmes est encore largement tabou. Personne n'en parle publiquement et le fait de reporter un incident aux autorités est même inenvisageable.
Pour briser cette chape de plomb, les Jordaniennes se tournent de plus en plus vers les réseaux sociaux pour y dénoncer le harcèlement dont elles sont victimes. Mais si ces outils permettent à leur parole de se libérer, et contribuent à sensibiliser l'opinion publique, ils n'ont pas encore réussi à mobiliser les pouvoirs politoques, peu décidés à légiférer sur ces questions.
Frustrée par cet immobilisme et décidée à aider ses semblables à prendre le pouvoir, Lina Khalifeh, elle-même ceinture noire de taekwondo et forte de 17 années de formation aux arts martiaux, a lancé en 2010 SheFighter, un cours de self-défense exclusivement réservé au femmes. Au programme, des cours de kick-boxing et d'arts martiaux pour aider les femmes à avoir confiance en elles afin de se défendre dans n'importe quelle situation de harcèlement, mais aussi de s'affirmer dans leur vie personnelle ou professionnelle.
Depuis le lancement de ces cours, cette jeune entrepreneure a été distinguée à de nombreuses reprises et a même été invitée à s'exprimer devant le Parlement européen lors de la Journée de la femme. Et le succès de son entreprise est tel que Barack Obama a cité son nom lors d'un discours sur les jeunes entrepreneurs émergents à l'échelle mondiale.
Galvanisée par cette reconnaissance, Lina Khalifeh entend continuer son combat et caresse le projet d'exporter SheFighter dans le monde entier, à commencer par les autres pays du Moyen-Orient ou l'Afrique. Car comme elle le souligne en interview, "les femmes sont la base de la société. Si vous les éduquez, vous éduquez la société."