" Une femme digitale, c'est une femme libre ", a répondu hier Nathalie Kosciusco-Morizet à Delphine Remy-Boutang, la cofondatrice de la Journée de la femme digitale, qui l'interrogeait sur la définition qu'elle en donnerait. Et c'est vrai. Car si, aujourd'hui, les femmes entreprennent davantage, grimpent progressivement dans les hiérarchies, parviennent à pousser ce satané plafond de verre antédiluvien tout en choisissant de ne pas mettre de côté leur vie personnelle, c'est grâce au numérique. Chez Terrafemina, nous en parlons depuis longtemps : le mobile et le Web ont bouleversé la société, et plus encore la vie des femmes qui ont vu dans cette révolution un allié indispensable à leur ascension, leur liberté, et la réponse sans appel à leur besoin de tout avoir, sans faire de choix.
Installée dans la très belle salle des Folies Bergères, cette folle journée a tenu ses promesses. Bars thématiques disposés tout autour d'un espace de dialogue où se sont succédées les actrices du monde numérique d'aujourd'hui (et de demain), conférences dynamiques en mode Ted enchaînées avec fluidité, il y avait vraiment de quoi prendre sa dose annuelle d'inspiration et de confiance dans ce théâtre bourré d'énergies positives où femmes (et hommes) ont pour quelques heures entrelacé leurs expériences, leurs doutes, leurs conseils.
Inutile, pensez-vous, comme si les femmes et l'emploi était un fait acquis, et l'égalité entre les sexes un combat désormais remporté ? Détrompez-vous. En effet, selon une étude réalisée par Hiscox pour cette journée, 35% des femmes entrepreneures s'estiment encore aujourd'hui moins compétentes que les hommes, soit plus d'une sur trois... Un constat aussi alarmant qu'hallucinant, et qui vaut bien le coup de boost proposé par les intervenants venus se mettre à nu sur la scène des Folies Bergères, bravant leur peur, parfois, parce que justement, c'est elle qu'il convient de dompter pour faire bouger les choses − sa carrière et, souvent, sa vie. On retiendra particulièrement l'intervention de Lisa Gachet, la fondatrice de Make my lemonade , venue raconter son aventure entrepreunariale devant un public conquis, celle de Philippe Plichon, big boss de Dropbox, qui fit se lever une bonne partie de la salle en demandant à ses utilisatrices de se faire connaître. Et puis il y eut Kaja Kallas, défiant avec panache son angoisse de parler français devant ce public nombreux, illustrant alors fort à propos un discours empreint de réconfort pour ceux qui doutent, qui n'osent pas, tout en ayant une furieuse envie d'essayer.
La peur, il en fut beaucoup question, au cours de cette journée. La peur de l'échec, qui paralyse, empêche de prendre les bonnes décisions, et que le Finlande est parvenue à dédramatiser en fondant la Journée de l'échec par les entrepreneurs, fêtée le 13 octobre, que l'on aimerait beaucoup importer. Et puis la peur de quitter un job salarié dans une grosse boîte pour devenir son propre patron, d'avoir fait une grosse bêtise en abandonnant l'aisance d'un poste stable de longue date appréhendé pour plonger vers cet inconnu effrayant. Et pourtant... " Nothing never happens in the Confort zone ", apprenait-on récemment dans notre cure de bien-être au travail. Cela, ils nous l'ont tous répété. Se mettre en danger, aller vers ce que l'on redoute, et cesser de se dire qu'on n'y arrivera pas : sans cette injonction à se faire violence, rien ne pourra jamais arriver. Rien. C'est l'évidence que nous a illustré Xavier Lagarrigue, qui mit plus d'un an à sauter le pas de l'aventure entrepreunariale, bloqué par sa peur panique, avant de finalement transformer celle-ci en peur moteur, de celle qui vous donne paradoxalement des ailes, et vous fait entreprendre ce dont vous ne vous seriez jamais cru capable. Aujourd'hui, son entreprise compte 220 employés et il était hier devant nous.
Il est un fait : on préfère bien souvent rester avec ses malheurs connus que de partir pour des bonheurs inconnus. Et on a tort, parce que nos succès naîtront de ces remous qu'il nous faut imposer à notre vie professionnelle. Laure Pressac, museo-geek enthousiaste qui oeuvre pour le Centre des monuments nationaux, citait hier ce top tweet émergé un jour dans sa time-line devenue fleuve informationnel de son quotidien : " Si ça se trouve, les planches à repasser sont des planches de surf qui ont abandonné leurs rêves et trouvé un vrai boulot. " N'abandonnons jamais nos rêves. Quant à la notion de " vrai boulot ", le Web l'a ensevelie depuis longtemps, et c'est tant mieux. Le vrai boulot, aujourd'hui, c'est celui qui nous fait vibrer et nous porte au-delà de nous-même. Sky is the limit. Merci aux femmes digitales du 10 mars de nous l'avoir rappelé.