Les Européens souhaitent renforcer la lutte antitabac. C’est l’étude de la Commission européenne « Attitudes des Européens face au tabac » qui l’affirme. Si l’on en croît celle-ci, ils seraient 60% à se montrer favorables à « des mesures visant à rendre le tabac moins visible et attrayant, telles que garder les produits du tabac hors de vue dans les magasins ou limiter l'utilisation de couleurs et d'arômes attrayants ».
Et pour cause, en mars 2012, 28% des Européens âgés de 15 ans fumaient tandis que, selon les dernières estimations, 33% des Français fument de façon occasionnelle ou régulière. Un chiffre stable depuis quelques années, voire en légère augmentation, et ce, malgré la multiplication des mesures antitabac. Pire, « les Français sont moins de 60 % à craindre le cancer et moins de 40 % à avoir peur des maladies cardiovasculaires », confiait récemment Daniel Thomas, médecin à l’Institut de cardiologie, dans les colonnes du Parisien. Les campagnes de prévention sont en effet loin d’avoir atteint leur objectif. Quant aux visuels chocs, ils n’ont pas davantage eu l’effet escompté.
Pourtant, le tabagisme tue toujours autant. Il serait ainsi responsable de 73 000 décès par an en France, soit 14 % de la mortalité totale. Mais pourquoi les Français ne peuvent-ils pas se passer de leur cigarette ? Alors que se tient aujourd’hui la 25e Journée mondiale sans tabac, trois fumeuses nous expliquent le rapport qu’elles entretiennent avec lui.
« J’ai commencé à fumer à 17 ans, en Prépa. Mes amis fumaient, j’ai eu envie d’essayer. A l’époque, la pause « café-clope » était une respiration nécessaire après 4 heures de cours. Je fume depuis 10 ans maintenant, mais je ne me considère comme une fumeuse que depuis très récemment.
Je ne me sens pas vraiment dépendante de la cigarette. Pour preuve, j’ai déjà arrêté de fumer plus d’une fois sans l’avoir jamais prémédité. Il m'est déjà arrivé de ne pas toucher à une cigarette pendant 2 à 3 semaines, simplement parce que je n’en ressentais pas le besoin. Je fume encore aujourd’hui simplement parce que je n’ai jamais eu l’envie d’arrêter. C’est pour moi un plaisir ; comme manger une tablette de chocolat ou boire du vin et j’ai bien peur que les mesures antitabac n’y changent rien.
Bien sûr, elles sont nécessaires, notamment pour les plus jeunes, mais s’agissant des fumeurs adultes, chacun sait les risques qu’il encourt. Depuis mes 17 ans, par exemple, le prix du paquet a été multiplié par deux. Cette hausse n'a eu aucun effet sur ma consommation quotidienne (un demi-paquet en temps normal, deux lors d’apéritifs, dîners ou soirées entre amis). Ce matraquage dissuade essentiellement les non-fumeurs.
Malgré tout, je prévois de faire une croix définitive sur le tabac le jour où je tomberai enceinte. Je n’envisage pas d’élever mon enfant dans un environnement enfumé. Je ne veux pas que l’odeur de tabac froid lui rappelle celle de sa mère. »
« J’ai fumé ma première cigarette à 17 ans avec une copine, pour essayer. J’étais la dernière de ma bande à m’y mettre. J’ai continué après, par goût de l’interdit. Aujourd’hui, je fume en moyenne six cigarettes par jour, une quinzaine le weekend et un paquet lors de soirées entre amis. Mais je pense de plus en plus à arrêter, dans la perspective d’une grossesse. Mon ami et moi nous sommes d’ailleurs promis d’arrêter de fumer, lorsque nous commencerions à construire notre famille. A deux, nous pourrons nous soutenir et nous motiver. J’aurais déjà pu arrêter seule, si j’en avais eu la volonté, mais ça n’a pas été le cas.
Par ailleurs, j’ai beaucoup de mal à m’imaginer une journée de travail sans pause-cigarette, cela reviendrait à ne pas faire de pause du tout. La cigarette est pour moi synonyme de bonheur, de liberté. J’ai été élevée dans un environnement de fumeurs, et je n’ai jamais caché ce penchant à mes parents. Or, aujourd’hui, le regard sur le tabagisme a radicalement changé. Même en privé, la cigarette n’est plus toujours la bienvenue et les fumeurs sont parfois considérés comme des pestiférés.
Quoi qu’il en soit, à l’exception des visuels chocs sur les paquets de cigarettes, les différentes campagnes et mesures antitabac ne me touchent pas. Je suis davantage bouleversée par les décès de proches liés au tabagisme ; il y en a déjà eu une dizaine autour de moi. Mais, paradoxalement, le premier réflexe en sortant de l’église est de s’allumer une cigarette. D’une manière générale, je trouve que l’on n’utilise pas les bonnes méthodes pour inciter les Français à arrêter ; on ne parle pas non plus suffisamment des techniques qui ont fait leurs preuves comme l’hypnose, par exemple. »
« Ma première cigarette a failli m’étouffer ! J’avais 15 ans. J’étais au collège. J’aime dire que je n’ai réellement commencé à fumer qu’à 23 ans, lorsque j’ai pris l’habitude de m’acheter mes propres paquets. Avant cette date, mes amis me dépannaient à chaque envie de nicotine. C’est une opération du genou, qui m’a tenue éloignée des terrains de sports pendant plusieurs mois, qui m’a fait tomber dans le tabagisme. Je me suis mise à fumer pour tromper l’ennui. Ma consommation s’élève à 5 ou 6 cigarettes par jour en semaine, beaucoup plus le weekend ou en soirée.
Je n’ai jamais pensé à arrêter car rien ne m’y incite. La cigarette n’a, pour le moment, aucune incidence sur ma vie quotidienne. Par ailleurs, elle me permet de faire plus légitimement des pauses au travail. A mon arrivée dans mon entreprise, je ne fumais pas la journée ; je ne faisais donc jamais de pause. Or, elles sont un moment privilégié pour faire connaissance avec ses collègues et prendre part à la vie de l’entreprise.
Et même si je tombais enceinte demain, je ne suis pas certaine que cet état serait une source de motivation. D’abord parce que le stress engendré par le sevrage est nuisible à l’enfant. Ensuite parce que ma mère a arrêté de fumer lorsqu’elle était enceinte de moi et n’a pas arrêté pendant qu’elle attendait mon petit frère. Il est en excellente santé mais, contrairement à moi, éprouve un profond dégoût envers la cigarette. Je ne sais pas s’il y a un lien, mais je trouve cela très troublant.
Les campagnes antitabac sont nécessaires mais elles ne me dissuadent pas. Les images choquantes me dérangent ? J’ai acheté un étui pour ne plus les voir. Par contre, cette hypocrisie selon laquelle les augmentations successives du prix du tabac visent à dissuader les fumeurs m’exaspère. Elles ne servent qu’à renflouer les caisses de l’Etat. Pour ma part, je n’achète plus de cigarettes en France. Je me constitue une réserve à chaque voyage ou je demande aux globe-trotters qui m’entourent de m’en rapporter. »
Et vous ? Quel rapport entretenez-vous avec la cigarette ?
Crédit photo : Photos.com
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