Julia Minkowski : "Dans l’esprit du public un avocat pénaliste est encore un homme"
Publié le 11 mars 2013 à 15:49
Par Ide Parenty
L'association féministe « Les Chiennes de garde » a décerné jeudi le prix du macho de l'année à Maître Pierre Blazy, avocat pénaliste bordelais, pour ses propos sexistes tenus en décembre 2012. Celui-ci s'interrogeait en effet à l’époque sur la capacité d'une femme à tenir le rôle de bâtonnier. Depuis, plusieurs avocates ont fondé le Club des Femmes Pénalistes pour promouvoir leur visibilité dans cette profession. Nous avons interviewé l'une d’entre elles, Maître Julia Minkowski, avocate au Barreau de Paris.
Julia Minkowski : "Dans l’esprit du public un avocat pénaliste est encore un homme" Julia Minkowski : "Dans l’esprit du public un avocat pénaliste est encore un homme"© Abaca
La suite après la publicité
Terrafemina : Vous avez fondé en février 2013 le club des femmes pénalistes, quelques semaines après la phrase sexiste de Maître Pierre Blazy qui suggéraient que les femmes n'avaient pas les « épaules » pour être bâtonnier. À travers ce club, quel message souhaitez-vous faire passer ?

Julia Minkowski : À la suite des propos tenus par Me Pierre Balzy, nous avions publié (avec Rachel Lindon, avocate au Barreau de Paris, NDLR) une tribune pour dénoncer ces dires mais aussi pour évoquer l’appréhension générale qui existe envers les femmes dans le monde du droit pénal : les figures du barreau sont toujours en majorité des hommes. À la même période, j’ai rencontré Véronique Morali qui m’a alors inspiré l’idée de créer un réseau féminin. C’est ce que nous avons fait. Le club des femmes pénalistes n’est pas là pour faire passer des messages, ni pour réfléchir aux raisons qui nous ont amenées à ce constat, mais pour agir. Nous voulons donner aux femmes pénalistes des outils pour évoluer dans leur carrière mais nous souhaitons aussi favoriser les échanges et la solidarité.

Tf : « Si nous n'avons pas les épaules assez larges, nous en avons plein le dos d'entendre des propos sexistes, misogynes », rétorquait ainsi Maître Clothilde Chapuis à Maître Blazy en décembre dernier. Le milieu pénaliste est-il particulièrement machiste ?

J. M. : Non, pour ma part, je ne souffre pas de sexisme au quotidien. Je travaille, j’ai travaillé avec des hommes qui m’ont donné toute leur confiance, mais il y a parfois aussi des sous-entendus. Un client, par exemple, voulait absolument être défendu par mon collègue parce qu’il le voyait « comme un père », là où il me disait : « vous êtes un peu comme ma fille ». Parfois, les magistrats nous appellent ouvertement madame au lieu de Maître. Mais, ce dont nous souffrons le plus, c’est de ce plafond de verre. Il y a plus d’élèves avocates qu’avocats, c’est un fait et pourtant les femmes accèdent moins aux responsabilités, à l’indépendance. Elles sont souvent des collaboratrices. Concrètement, dans l’esprit du public un avocat pénaliste, dans une cour d’assise ou un tribunal correctionnel, est encore un homme. Dans les médias, il en est souvent de même.

Tf : Maître Pierre Blazy a été nommé le 7 mars macho de l’année par « Les Chiennes de garde » pour ses fameux propos. Quelle est votre réaction ?

J. M. : Je trouve cette récompense méritée, ces propos m’ont scandalisée. Mais je trouve ça triste qu’un pénaliste se voit décerner ce prix. Cela ne reflète pas la réalité de la profession. Un avocat doit être imprégné de valeur humaniste, de progrès, de sensibilité…. Hier, je repensais à ces propos lorsque j’ai croisé cinq avocates étrangères. Shirin Ebadi, avocate iranienne, prix Nobel de la Paix, Karinna Moskalenko, avocate russe, fervente défenseure des droits de l'Homme, Valdenia Paulino, avocate brésilienne surnommée la « justicière des favelas », Christina Swarns, avocate américaine qui combat la peine de mort et Alba Cruz, avocate mexicaine victime de plusieurs attentats contre sa vie. Je me suis alors demandée comment on pouvait penser que les femmes n’ont pas les épaules pour être bâtonnier ?

VOIR AUSSI

Une femme a-t-elle les épaules pour être bâtonnier ? La question sidérante d'un avocat bordelais
Royal, Barbier, Blazy : le machomètre spécial 8 mars
Sexisme : les avocates bordelaises manifestent avec des louches et des spatules
Anne Cadiot-Feidt, première femme présidente de l'ordre des avocats depuis 550 ans

Mots clés
Société femmes Réseau professionnel egalite professionnelle sexisme
Sur le même thème
"C'est un homme !" : la championne de boxe algérienne Imane Khelif combat la misogynie décomplexée aux Jeux Olympiques play_circle
Société
"C'est un homme !" : la championne de boxe algérienne Imane Khelif combat la misogynie décomplexée aux Jeux Olympiques
5 août 2024
"Des hommes veulent que nous soyons leur objet" : Isild Le Besco s'exprime en exclusivité dans "ELLE" et il faut l'écouter play_circle
Société
"Des hommes veulent que nous soyons leur objet" : Isild Le Besco s'exprime en exclusivité dans "ELLE" et il faut l'écouter
4 juillet 2024
Les articles similaires
Léon Marchand, Jeremy Allen White... : sexualiser les mecs, est-ce que c'est sexiste ? play_circle
Société
Léon Marchand, Jeremy Allen White... : sexualiser les mecs, est-ce que c'est sexiste ?
2 octobre 2024
Zahia : le slut shaming et la "putophobie" ont failli la pousser au pire play_circle
Société
Zahia : le slut shaming et la "putophobie" ont failli la pousser au pire
15 octobre 2024
Dernières actualités
Wicked : découvrez l’histoire vraie qui a inspiré le film événement play_circle
cinéma
Wicked : découvrez l’histoire vraie qui a inspiré le film événement
13:10
"On m'a traitée de sale n*" : Karine Le Marchand témoigne du racisme subi play_circle
television
"On m'a traitée de sale n*" : Karine Le Marchand témoigne du racisme subi
12:14
Dernières news