Sophie Bramly : Quand j’ai monté le Think Tank, l’Observatoire des Futur(e)s, il y a deux ans, nous avons réfléchi avec tous les membres aux sujets que nous pourrions traiter. Et, le pouvoir est le thème qui visiblement chatouillait le plus de monde ! Pour ma part, j’ai une vision très particulière de ce qu'est le pouvoir, je pense qu'il est avant tout sur soi. Si l’on a suffisamment confiance en soi, on attire. C'est une force quasi-magnétique qui impressionne les autres, au sens premier du terme. Pourtant, ce n’est pas si évident pour les femmes, parce qu’elles conjuguent une somme d'injonctions venues d’une culture ancestrale du sacrifice pour les autres : être belles, rester jeunes, être performantes au travail, être bonnes mères ou encore bonnes amantes. Or il est impossible d'atteindre tous ces objectifs, et elles peuvent perdre confiance en elles. La gouvernance de soi est le plus compliqué des pouvoirs, pour les hommes aussi, mais nous sommes encore novices sur les terrains économiques, professionnels, acquis il y a à peine 60 ans, il nous faut encore du temps ...
S. B. : Ils n’ont pas fini de se retourner. Ma génération, par exemple, s’est peu préoccupée de tout ce qui touche au féminisme. On avait presque l’impression que tout avait été fait. J’ai passé 30 ans de vie professionnelle sans me poser de questions. Mais aujourd’hui, il y a des déséquilibres dans les deux sens. A force de considérer les femmes comme des victimes, la législation n’est pas toujours à parité. Les femmes peuvent par exemple, empêcher toute recherche de paternité ou au contraire imposer une paternité non consentie aux hommes. Les femmes ne doivent pas avoir raison parce qu’elles sont des femmes, la justice ne peut fonctionner si elle les traite en « cadettes ». La parité passe nécessairement par des équilibres.
S. B. : Nous ne voulons pas revenir sur le passé, nous voulons au contraire observer le présent pour mieux anticiper le futur. Je ne suis pas pessimiste, bien au contraire. Mais la génération Y ne doit pas s’endormir. Plus la crise économique avance, plus les femmes en pâtissent. Elles gagnent 30% de moins que les hommes, mais elles ont une puissance économique fantastique puisque elles gèrent 80% des dépenses domestiques. Un pouvoir inouï si elles décident de s'en servir… Mais il est crucial d’être vigilant car, si la crise affaiblit les femmes dans la sphère professionnelle, si son indépendance financière est menacée, l’équilibre femmes-hommes ne pourra se maintenir dans les sphères privées et publiques. Et puis, finalement, les périodes de crises, aussi difficiles soient-elles, sont aussi de bonnes occasions d'innover !
« Pouvoir(e)s, les nouveaux équilibres femmes-hommes », Sophie Bramly et Armelle Carminati-Rabasse, Editions Eyrolles, 22 €.
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