Pour lire cet article, et vous mettre dans l'ambiance du film jusqu'au bout, nous vous proposons de vous plonger dans le morceau qui est le fil rouge de tout La Favorite et qui est disponible ci-dessous.
Ça y est, c'est bon ? Alors on peut commencer.
La Favorite, c'est l'histoire d'Anne Stuart, contemporaine de Louis XIV, reine dépressive qui fut la dernière de sa lignée. Mariée à George de Danemark, elle devient reine d'Angleterre en 1702 à l'âge de 37 ans. Sur ses 17 grossesses, onze se terminèrent par des fausses-couches, et ces enfants vivants moururent en bas âge.
Le long-métrage du réalisateur grec Yórgos Lánthimos raconte comment cette reine épuisée, malade de la goutte et dépressive, fut l'objet lors de son règne d'un combat d'influence entre Sarah Churchill (Rachel Weisz), duchesse de Marlborough, une amie d'enfance proche et tirant les ficelles du pouvoir derrière la reine, et Abigail Masham (Emma Stone), sa cousine.
Abigail Hill, épouse Masham, est la cousine de Sarah Churchill. Elle vient un jour lui demander de l'embaucher au palais de la reine Anne. Sa famille est en pleine disgrâce et ruinée à cause d'un père porté sur les mauvaises affaires. Abigail tombe bas et devient servante.
Une fois engagée auprès de sa tante, elle est libre de tout faire pour retrouver son rang.
Ce que montre La favorite n'est pas une rivalité, c'est une lutte pour la survie.
Loin des querelles de bonnes femmes d'arrière cuisine où ont les a trop souvent reléguées, les femmes se sont battues dans l'histoire pour une seule chose : survivre.
C'est toute l'histoire de ce film qui devrait inspirer bon nombre d'historien·nes à revoir deux-trois biographies de reines et de femmes de pouvoir. Prenons pour exemple les reines Frédégonde et Brunehaut, réduites chacune à un simple crêpage de chignon, de rivalité et d'histoire de moeurs. Ces deux reines, dont la mémoire fut bafouée, ne se battaient que pour une chose : leur survie et celle de leur lignée.
Brunehaut pourtant devrait apparaître dans les livres d'Histoire à l'égale de Charlemagne pour, excusez du peu, avoir fondé l'indépendance de l'Occident vis-à-vis de l'Orient au tournant du VIe siècle.
La Favorite réhabilite au cinéma ces femmes qui ont usé des outils mis à leur disposition pour se sauver de la condition que la société de leur époque leur avait imposé.
Au coeur de ce trio, les actrices Olivia Colman, Emma Stone et Rachel Weisz sont formidables. Les décors et les costumes baroques splendides. La caméra au plus près de la situation, parfois en mode fisheye, nous embarque littéralement au début du XVIIIe siècle dans l'intimité de cette reine comme si nous étions l'un des personnages de l'histoire, une petite souris.
Tout le film est basé sur la relation lesbienne supposée entre Sarah Churchill et la reine Anne. Cette dernière, se sentant manipulée par Sarah Churchill se serait tournée vers Abigail Masham.
Des lettres d'enfance passionnées écrites par Anne ont accrédité cette thèse sans qu'elle ne soit confirmée. Il s'agirait en fait d'une rumeur qui aurait été lancée pour discréditer la reine. Le film, qui est magnifique en lui-même, s'éloigne donc de la réalité historique.
Par ailleurs, si Oliva Colman est impressionnante dans le rôle de la reine Anne, la tournure que l'on donne à son personnage, ridicule, enfantin, capricieux, et incapable de prendre des décisions par elle-même pour le pays, est quand même dommageable.
Certes, la reine Anne était une femme dépressive à cause des morts qui l'entouraient, mal préparée à l'exercice du pouvoir. Mais elle sut s'imposer, notamment en ne reniant pas sa foi protestante face à un père catholique.
Cependant, le réalisateur Yórgos Lánthimos arrive à nous plonger dans le microcosme d'une cour en pleine guerre avec la France, où il n'est question que de luttes d'influence pour mettre la reine dans sa poche.
La route semble toute tracée pour La Favorite qui est nommé dans dix catégories aux Oscars.