"Les robes dos nu ou coupées sont interdites". Huit jours avant le bal de promo de leur établissement prévu mi-mai, les élèves du lycée de Shelton, dans l'Etat du Connecticut, ont reçu cette note signée de la direction. Un code vestimentaire que l'institution souhaite voir appliqué à la lettre, en établissant un "comité consultatif" chargé de décider si, oui ou non, les robes de ses étudiantes satisfont aux règles de "classe et dignité" les plus élémentaires.
Evidemment, rien de similaire côté hommes note la chaîne NBC qui rapporte l'information. "Les étudiantes ont lancé une pétition pour protester", précise le média américain. Plus que ce changement de dernière minute, qui impose aux jeunes femmes concernées de trouver une autre robe ou faire appel à un couturier, c'est surtout le sexisme criant de l'école que les intéressées dénoncent.
Comme le lycée de Shelton, des dizaines d'établissement scolaires américains se réservent le droit de dicter à leurs étudiantes la façon dont elles doivent s'habiller au quotidien ou lors d'évènements annuels. C'est le cas du collège de Tacoma, dans l'Etat de Washington, où les jeunes filles ont l'interdiction formelle de porter des robes sans bretelles, des jupes qui montent au dessus des genoux ou tout simplement... de montrer leurs épaules.
Dans un lycée de Dayton, dans l'Idaho, une étudiante a été renvoyée chez elle sans ménagement, alors qu'elle portait une robe pour fêter son dernier jour de cours. "Insubordination", a estimé l'école qui est même allée jusqu'à menacer l'élève de ne pas lui délivrer son diplôme. Des menaces qui tournent parfois à la punition, voire au slut-shaming comme ce fut le cas pour Miranda Larkin. A 15 ans, cette élève de lycée en Floride a été forcée par son établissement de porter une "tenue de la honte" en raison d'une jupe jugée trop courte. La jeune fille s'est vu contrainte de porter un large tee-shirt jaune et un pantalon de survêtement rouge sur lesquels était écrit en lettres capitales : "Non respect du code vestimentaire".
Le problème, qui touche également les filettes en école primaire, dépasse les frontières de l'oncle Sam, puiqu'une étudiante canadienne de 17 ans, nommée Lauren Wiggin, s'est vue mettre en retenue pour une tenue qui relevait selon son lycée de "la distraction sexuelle". L'arme du crime ? Cette longue robe, plus proche de l'attentat à la pudeur que du bon goût pour le directeur de l'établissement.
Face à ces décisions, les jeunes américaines commencent à se révolter. A Shelton, la pétition des étudiantes n'y va pas par quatre chemins pour contester les méthodes du lycée : "Il y a une logique inversée et sexiste dans le fait de dire que les filles doivent se couvrir pour que les garçons ne soient pas distraits ou tentés d'agir de façon incorrecte", affirme le document. Plutôt que "d'enseigner aux filles à cacher leur corps", l'école devrait "enseigner aux garçons la retenue et le fait que le corps d'une femme ne leur appartient pas", poursuit la pétition, avant de souligner que ces règles devraient s'appliquer "de façon raisonnable" et surtout "de manière équitable à tous les étudiants".
Un combat que mènent d'autres jeunes femmes ailleurs dans le pays. Comme cette étudiante restée anonyme qui a placardé, début mai, cette affiche sur les murs de son école.
Une résistance qui va de paire avec le soutien de certains médias. "Les administrations scolaires concentrent leur colère sur les étudiantes. Il n'y a curieusement pas de règlement sur la proportion de peau que les élèves hommes peuvent montrer", notait le 14 mai dernier le Guardian dans un article intitulé "La seule chose honteuse à propos des robes légères sont les adultes qui font une fixation dessus".
Car plus que la justification éminament sexiste des codes vestimentaires en question, c'est surtout la méthode pour les faire appliquer qui fait débat. Si restreindre la possibilité pour les femmes, et seulement elles, de s'habiller comme elles le souhaitent est sexiste, instaurer des punitions en raison d'une opposition des intéressées revient à utiliser la honte et l'humiliation.
Les oppositions de plus en plus nombreuses de ces jeunes femmes ne suffiront probablement pas à régler le problème dans l'immédiat. Mais leur combat pose sans aucun doute les bases d'un débat auquel devra faire face le système scolaire, s'il veut se débarrasser du sexisme et des préjugés dans ses établissements. Condition indispensable d'une éducation crédible.