Aux États-Unis, ils sont environ 750 000 à voyager dans leur camping-car tout en proposant leur force de travail aux sites protégés ou aux parcs d'attraction, ou bien en travaillant en freelance depuis la table en formica de leur caravane. Leur nom ? Les workampers.
Ce mot-valise (de "work", travail en anglais, et "camping") traduit une nouvelle manière de concevoir le monde du travail. Plutôt que de tuer à la tâche dans un emploi qui ne les enchante guère pour rembourser un prêt immobilier sur vingt ans, de plus en plus d'Américains préfèrent sacrifier un peu de confort pour plus de liberté. Ils troquent donc leur appartement ou leur maison (du moins temporairement) pour un camping-car qui leur permet de sillonner les routes.
Si certains se voient un peu comme les Jack Kerouac du XXIe siècle, beaucoup préfèrent se définir comme des travailleurs nomades, voyageant au gré des envies et des opportunités. Pour subvenir à leurs besoins, beaucoup se tournent vers les jobs saisonniers, mal payés mais offrant une grande flexibilité : les parcs à thème, les terrains de campings, les parcs nationaux et les ranchs les emploient pour quelques mois et pour 7,25 à 12 dollars de l'heure. En échange, ces globe-trotters nouvelle génération peuvent visiter durant des semaines et gratuitement des sites à la beauté exceptionnelle, comme Yellowstone ou Yosemite.
Si certains workampers partent sur les routes en solo ou en famille, la plupart s'avère être des couples plus proches de la retraite que de leurs années de fac. La moyenne d'âge est en effet de 53 ans, rapporte le site officiel des Workampers. À bord de leur camping-car dernier cri ou de l'iconique combi Volkswagen, ils peuvent s'y connecter pour trouver un endroit où travailler ou y échanger bons plans et conseils.
Mais derrière le vernis de la liberté qu'apporte ce drôle de mode de vie, se cache aussi une réalité économique un peu moins reluisante : nombreux sont les workampers qui, après des années de travail à l'usine ou dans le commerce, ne perçoivent qu'une trop maigre retraite pour vivre confortablement. Le workamping est donc la solution toute trouvée pour voir du pays tout en gagnant un peu d'argent. "La plupart des workampers sont motivés par l'impression générale que leurs économies pourraient disparaître aussi vite qu'elles sont arrivées, analyse pour le Seattle Times Margo Armstrong, fondatrice du site RV Lifestyle, dédié au workamping ("RV" pour recreational vehicle). Le workamping leur permet de profiter de leurs années sur la route sans crainte d'épuiser leurs économies."
Être workamper signifie aussi ne pas avoir peur de retrousser ses manches. Les emplois proposés sont souvent épuisants et peu valorisants. La plupart des campeurs doivent travailler de longues heures pour espérer gagner un salaire décent à la fin du mois.
Mais la liberté, la richesse des rencontres et des expériences, et les superbes paysages sont des à-côtés qui ne feraient renoncer les workampers à ce mode de travail pour rien au monde. Parmi ces workampers heureux, se trouve Vicky Loftis. À 50 ans, cette femme originaire de Caruthers, en Californie, a décidé de tout lâcher pour récolter des betteraves à sucre dans le Dakota du Nord. "Je voulais vivre l'aventure de la récolter, raconte-t-elle au Seattle Times. Dans vingt ans, je pourrai dire que j'ai travaillé dans les betteraves à sucre." "Je me suis fait ce cadeau à moi-même pour mon 50e anniversaire. Il y a tellement de choses à voir. Je suis libre d'aller où le vent me porte." En l'occurrence à Campbellsville, dans le Kentucky, où l'attend un job dans un centre d'expédition pour le site Amazon.
Un point de vue que partage David Standaert, 71 ans, mécanicien à la retraite et désormais saisonnier pour le Wallkill River National Wildlife Refuge, dans le New Jersey. "Je suis allé dans des endroits où j'étais le seul humain à 15 000 hectares à la ronde", affirme-t-il au site du New Jersey. "En travaillant, je peux aller dans des endroits où j'ai toujours rêvé d'aller et y rester une longue période pour apprendre à connaître les gens. Je vivais en ville, mais maintenant je fais comme Dorothy (dans le Magicien d'Oz, ndlr), je suis la Yellow Brick Road."