Lorsqu'ils travaillent bien à l'école et sont sages à la maison, les enfants ont l'habitude de recevoir de l'argent de poche. Cinq, dix euros qu'ils mettent précieusement de côté pour s'acheter quand ils auront suffisamment économisé un jeu vidéo ou un skate board.
Pour récompenser leurs compétences en matière d'éducation et leurs talents ménagers, il n'est pas rare que les richissimes femmes des pontes de Manhattan, elles, reçoivent... un "bonus d'épouse".
C'est ce que révèle la chercheuse en sciences sociales Wednesday Martin dans le New York Times . Dans un billet paru le 16 mai dernier dans le quotidien américain et intitulé "Poor Little Rich Women", l'anthropologue dresse le portrait de ces "glam SAHM" (glamorous stay-at-home-moms), ces mères au foyer habillées en Prada de la tête aux pieds et résidant dans l'Upper East Side, le ghetto pour riches coincé entre Central Park et l'East River sur l'île de Manhattan.
Elle-même habitante du quartier depuis une dizaine d'années, Wednesday Martin explique avoir été fascinée par ces richissimes mères au foyer new-yorkaises. Alors qu'elle s'apprête à publier une étude sociologique ironiquement intitulée Les Primates de Park Avenue, la chercheuse dresse le portrait de ces housewives pas vraiment désespérées. Diplômées de prestigieuses universités, la plupart d'entre elles ont pourtant choisi d'arrêter de travailler une fois mariées à des requins de la finance, des avocats ou des hommes d'affaires afin de s'occuper de leur progéniture.
Quand elles ne courent pas les galas mondains pour récolter des fonds pour une quelconque cause humanitaire, les glam SAHM font du shopping dans les luxueuses boutiques de la 5th Avenue et cherchent à placer leurs enfants dans les écoles les plus selects de la ville.
Un dévouement à leur famille que leurs riches époux récompenseraient, selon Wednesday Martin, en leur versant tous les mois un "bonus d'épouse". Comprenez : à l'image de leurs maris, qui sont récompensés par des bonus, les femmes de l'Upper East Side reçoivent des gratifications financières en échange de leur bonne gestion des dépenses du foyer, l'éducation qu'elles prodiguent à leurs enfants et leur bonne tenue de la maisonnée.
D'après Wednesday Martin, qui a découvert l'existence de ces "bonus d'épouse" au fil de ses entretiens avec une centaine de femmes résidant dans l'Upper East Side, ces rétributions financières, ainsi que leur fréquence, font parfois même l'objet d'une clause dans le contrat prénuptial.
Considéré comme de "l'argent de poche" leur permettant, malgré leur absence de job, de jouir d'une certaine indépendance financière, ce "bonus d'épouse" fait toutefois grincer des dents quand certaines housewives évoquent une rétribution en l'échange d'"éventuelles mesures de performances sexuelles".
Outre-Atlantique en tout cas, et malgré la confirmation par les principaux concernés (en l'occurrence, les maris), la polémique a immédiatement pris. Jugée avilissante et sexiste, cette tradition du "bonus d'épouse" a suscité la colère des féministes, qui voient là un moyen de garder dans une cage dorée des femmes pourtant tout aussi diplômées et compétentes que leurs maris.
Ainsi, Caitlin Moscatello, journaliste à Glamour US, écrit : "De l'extérieur, une pratique de ce type de bonus semble, au mieux, humiliante. Au pire, le bonus d'épouse magnifie la dimension patriarcale du mariage au point où ça fait mal aux yeux. Le mari contrôle non seulement sa femme financièrement, mais aussi émotionnellement. Il est son mari, oui, mais il devient aussi son patron. Elle dépend de lui, passe ses journées à essayer de l'impressionner, et il l'évalue. Et comme son potentiel de gains augmente vraisemblablement avec la progression de sa carrière, elle devient à son tour de plus en plus dépendante de lui au fil du temps."