Pendant longtemps, les femmes ont généralement eu un conjoint plus diplômé qu'elle. C'en est désormais terminé, selon une étude menée par le sociologue Milan Bouchet-Valat pour l'Ined et consacrée à l'hypergamie féminine – la tendance qu'ont les femmes d'avoir un conjoint au niveau social plus élevé.
L'auteur de l'étude s'est penché sur le niveau de diplômes des conjoints lors de leur première union, depuis les générations nées dans les années 1920 jusqu'à celles nées dans les années 1970, ainsi que le taux de célibat "définitif" de ces cohortes (ceux qui ne se sont jamais mis en couple).
Premier constat : avant la Seconde Guerre mondiale, les femmes étaient nettement moins diplômées que les hommes. L'élévation progressive de leur niveau d'éducation, couplée à leur entrée sur le marché du travail et à la libération des moeurs (pilule contraceptive, fin de la tutelle financière et morale du mari sur son épouse) dans les années 60 et 70 a achevé de pousser les femmes sur les bancs de l'université.
Désormais moins entravées par leur statut d'épouse et de mère, les femmes entreprennent des études supérieures, et il est maintenant fréquent qu'elles soient plus diplômées que leur conjoint. À cette donnée s'ajoute l'élévation progressive ces dernières années du taux de chômage, qui a contribué à augmenter l'incertitude attachée aux carrières masculines. Même moins rémunérateur et fortement soumis à la précarité, l'emploi de la femme peut s'avérer une garantie appréciable en cas de licenciement.
Pour autant, cette inversion des tendances n'est pas profitable aux femmes entreprenant des études longues et poussées. La recherche de l'Ined montre qu'elles ont généralement plus de difficultés à trouver un conjoint, les hommes ayant un niveau d'études équivalent préférant se tourner vers des femmes de statut social inférieur.
Elle n'est pas non plus profitable aux hommes les moins diplômés. Victimes d'une 'persistance d'un modèle 'genré' dans lequel le statut social importe plus que celui de sa conjointe', ces hommes moins diplômés peineraient à se mettre en couple.
L'étude de l'Ined souligne cette ambivalence : désormais maîtresses de leur avenir, les femmes ont aujourd'hui la possibilité d'entreprendre de longues études tout en construisant par la majorité une vie de couple. Mais les clichés de genre et des blocages sociaux persistent. Pour preuve : même plus diplômées que leur conjoint, les femmes continuent à être moins rémunérées et à assurer la majorité des tâches domestiques.