C'est une nouvelle qui fait du bien au moral. Alors que la culture est la grande absente de l'élection présidentielle et que le marché du livre semble vivre une crise perpétuelle, le Centre national du livre nous apprend aujourd'hui que les Français prennent toujours autant goût à la lecture. En 2015, le CNL s'était associé à Ipos pour mieux connaître et comprendre le rapport aux livres de la population. Deux ans plus tard, nos habitudes ont-elles changé ? Et surtout, lit-on moins ou plus qu'avant ? Bonne nouvelle, 84% des Français se déclarent spontanément lecteurs et 91% d'entre eux ont lu au moins un livre d'un genre littéraire précis au cours des 12 derniers mois. Surtout, le nombre de livres lus (papier et numérique) a augmenté en deux ans, passant de 16 à 20 ouvrages.
Et si le nombre de lecteurs masculins a augmenté, passant de 87% à 89%, ce sont toujours les femmes qui restent les plus grosses bouquineuses. Comme en 2015, les Françaises sont 93% à se déclarer lectrices. Elles ont lu 22 livres au cours de l'année écoulée (soit 6 de plus qu'il y a deux ans) et sont également de plus en plus attirées par le livre numérique. Le Centre national du livre évoque ainsi une augmentation de 8%. Quant à savoir pourquoi les femmes lisent plus que les hommes, ça, l'étude ne le dit pas. Néanmoins, dans un article de Femina paru en 2016, Yasmina Foehr-Janssens, professeure en Lettres et Etudes de genre à l'Université de Genève, apportait un début de réponse. Selon elle, c'est en fait la construction sociale des enfants qui expliquerait cette différence : "On remarque une socialisation différenciée des garçons et des filles durant leur jeunesse. Les premiers sont encouragés à être actifs, à aller jouer en plein air. Tandis que les secondes sont plutôt orientées vers des activités tranquilles, qui favorisent l'introspection. Parmi lesquelles : la lecture. Et cette facilité de contact avec le livre engendre un plaisir accumulatif : plus on lit, plus on a envie de lire".
Cette petite "guerre des sexes" livresque, on la retrouve du côté d'autres chiffres. Les femmes sont plus sujettes que les hommes à l'achat d'impulsion (80% contre 74%), elles attachent plus d'importance au résumé (91% contre 86%), et elles accordent une plus grande importance au plaisir provoqué par la lecture que les lecteurs masculins (95% contre 86%). On note aussi que femmes et hommes ne lisent pas forcément dans le même but. Ainsi, ces messieurs cherchent d'abord à approfondir leurs connaissances (39% contre 17% pour elles), tandis que les femmes se plongent d'abord dans un livre pour s'évader (23% contre 10% pour eux). Dans tous les cas, sur l'ensemble des lecteurs, c'est la question de l'approfondissement des connaissances qui arrive en tête des motivations (27%). La notion de plaisir arrive derrière (22%), suivie par l'envie de s'évader (17%), et enfin le besoin de se détendre (14%).
Le roman reste le livre privilégié par les lecteurs français même s'il a perdu 1% de lecteurs, passant de 69% à 70% par rapport à 2015. Et parmi les romans, le genre littéraire qui passionne le plus est sans conteste le roman policier, qui fait frémir 43% des Français. Même si l'étude ne le dit pas, on imagine sans mal que l'émoi continu autour des auteurs scandinaves n'est pas inconnu à ce chiffre. Les livres pratiques (art de vivre et loisirs) sont de leur côté de plus en plus appréciés. Alors qu'en 2015, 55% des Français déclaraient en lire, deux ans plus tard, ils sont 59%. Une jolie augmentation qui peut s'expliquer par la montée en puissance des activités DIY comme le tricot, la couture et le tissage. Bien conscientes du phénomène, les maisons d'édition sont ainsi de plus en plus nombreuses à proposer des ouvrages mixant tutos et conseils. Le troisième style littéraire le plus prisé est la BD (qui comprend les comics et les mangas), lue par 48% de la population. Le Centre national du livre note également la percée des livres de développement personnel (31%). Un genre très anglo-saxon mais qui s'exporte plus facilement qu'avant en France. Mentionnons également que bien que les romans sentimentaux cartonnent auprès du lectorat féminin, ils arrivent pourtant assez bas dans le classement (12%).
Prendre goût à la lecture ne dépend pas seulement de la construction sociale comme on l'a vu plus haut, mais aussi du contexte familial. Ainsi, l'étude du CNL et d'Ipsos affirme que 20% des Français dont les parents ne lisaient jamais sont aujourd'hui des non lecteurs. A contrario, 36 des Français dont les parents lisaient souvent des livres estiment aujourd'hui appartenir à la catégorie des gros lecteurs. Des résultats que l'on pourrait rapprocher de ceux d'une autre étude publiée en 2015 et qui expliquait que les enfants qui n'ont pas accès aux livres durant leur enfance sont généralement issus d'un milieu économique moins aisé que les autres. Une différence qui a ensuite un impact sur l'apprentissage des mots, la réussite scolaire et même... le salaire !
Plus réjouissant, l'étude indique également que si les 15–24 ans lisent toujours de manière plus contrainte du fait de leurs études, ils sont cependant de plus en plus nombreux à lire par pur plaisir (+12 points par rapport à 2015). Ces chiffres rejoignent une autre étude du CNL publiée en 2016 sur les rapports des jeunes à la lecture. Souvent accusés de passer trop de temps sur les réseaux sociaux ou devant la télévision au point d'en oublier la lecture, les jeunes Français sont pourtant 78% à se plonger dans des livres purement par plaisir.
Notons également que 63% des Français affirment qu'ils aimeraient lire plus (le chiffre atteint 76% chez les jeunes) mais qu'ils manquent malheureusement de temps. Enfin, si 52% des personnes interrogées déclarent ne pas acheter de livres en librairie car il n'y en a pas près de chez eux, elles sont également 32% à estimer qu'en librairie les ouvrages sont plus onéreux. Une méconnaissance – la loi sur le prix unique du livre est en vigueur depuis 1981 – qui pourrait malheureusement coûter cher aux libraires.