Les rapports et analyses se suivent pour comprendre pourquoi, à compétences égales, les femmes continuent d'occuper des postes subalternes et à toucher des salaires inférieurs à ceux de leurs collègues masculins : manque de confiance en elles, persistance des stéréotypes de genre, sexisme des dirigeants... Cette nouvelle étude réalisée l'Université Carnegie Mellon devrait parachever de faire le tour du problème en montrant que le plafond de verre bloque non seulement l'avancement des femmes dans l'entreprise, mais aussi dès leur recherche d'emploi sur le web.
Selon les chercheurs en effet, les femmes seraient beaucoup moins ciblées que les hommes pour les jobs prestigieux et bien rémunérés, notamment ceux dont le salaire dépasse les 200 000 dollars annuels. Pour parvenir à cette aberrante conclusion, l'équipe de chercheurs a élaboré une plate-forme de test automatisée. Appelée AdFisher, elle permet de générer automatiquement des profils de faux demandeurs d'emploi féminins et masculins. Au cours de l'expérience, les 17 370 faux profils ont été soumis à 600 000 annonces préalablement analysées par les scientifiques.
Alors que les profils masculins ont vu 1 800 fois passer des annonces pour des jobs très bien payés, les femmes, elles n'ont été soumises à ce type d'annonces que 300 fois. Le salaire n'est pas le seul élément discriminant : les femmes sont aussi moins susceptibles d'avoir accès aux annonces pour des postes de direction. Les annonces les plus "intéressantes" présentées aux profils féminins concernaient ainsi un job dans un poste et un autre chez un concessionnaire de voitures.
Pour autant, Google est-il le seul responsable de cette discrimination ? Non, si l'on en croit les auteurs de l'étude. Pour ces derniers, si la discrimination entre les sexes est évidente, il est difficile de l'imputer uniquement au géant du web. D'abord en raison de la complexité des algorithmes, mais aussi parce que les annonceurs peuvent choisir de cibler principalement les hommes avec leurs publicités.
Selon Anupam Datta, professeure adjointe d'informatique et d'ingénierie et co-auteure de l'étude, le profilage sur Internet est intrinsèquement discriminatoire, puisqu'il dissocie les profils en fonction de leur comportement sur Internet. Il est toutefois temps de changer les choses. "Le fait que les candidats masculins reçoivent davantage d'annonces pour des emplois bien rémunérés reflète malheureusement l'écart actuel de rémunération entre les sexes. Mais si cette décision a été prise [par les annonceurs, ndlr] uniquement pour des raisons économiques, cela est forcément de la discrimination."