C'est le phénomène mode qui agite Twitter. Après la Belgique, la collection de pulls de Noël signée Lidl a débarqué dans plusieurs magasins français ce 16 décembre. En deux heures, certaines références dotées du logo de la chaîne de grande distribution affichaient déjà sold out, quand des pièces se retrouvaient vendus 50 fois plus chers sur Ebay (500 euros au lieu de 9,99 euros), rapporte Le HuffPost.
Cet engouement, le média le décrit comme une "pratique courante dans l'industrie du luxe", qui consiste à ce que la mode et ses connaisseurs s'approprient "des codes des cultures populaires". La marque Vetements, par exemple, dont l'ancien directeur artistique n'est autre que Demna Gvasalia, désormais chez Balenciaga, en est l'étendard le plus frappant. Pour le meilleur ? Pas vraiment.
Dans un article pour Slate, la journaliste Alice Pfeiffer, qui a dédié un ouvrage passionnant au moche, épingle ce "courant" du "néo-pauvre" qu'elle analyse être finalement du "mépris de classe". "Vêtements fait du mépris de classe en reprenant des codes", affirme-t-elle. "Ce qui aurait un intérêt si les pièces étaient accessibles à tout le monde. Mais ce n'est pas le cas".
Et d'ajouter : "Ces codes deviennent de la mode précisément au moment où ils sont récupérés. Ils n'existent que par un processus de sublimation qui passe par sa relecture. Ce n'est pas le sac Tati que veut cette clientèle mais la citation ironique et un peu gênante de ce sac". Cela revient à piocher des éléments en se moquant - au propre comme au figuré - de celleux qui les portent en premier lieu. Sans pour autant s'intéresser à la réalité qui va avec.
Auprès de Terrafemina, Alice Pfeiffer développait : "Si moi, je porte des Crocs pour aller à un défilé Chanel par exemple, cela signifie que je n'ai pas peur d'être considérée comme une ringarde, une beauf, bref, tous ces termes ignobles que l'on peut entendre à ce sujet. Mais si cette absence de peur, ou plutôt cette volonté de provocation de ma part, était en vérité une marque de snobisme ? La question de son propre privilège se pose toujours."
"Les personnes pauvres seraient complètement altérisées", lance à son tour la journaliste d'Africultures Célia Sadai, sur le plateau d'Arrêt sur Images, dans un extrait repéré par le HuffPost.
Elle compare d'ailleurs cette "tendance" à un autre phénomène problématique : "Il y a une distance vis-à-vis d'eux, on les observe, on va piocher un peu comme l'explorateur qui va en Afrique, qui ramène des masques qui n'ont plus leur sens et leur fonction rituels et cultuels et qui les accroche à son mur sans engagement. Ils n'en ont pas besoin. La différence, c'est la nécessité d'un côté et la mode de l'autre."
Des mots forts qui, clairement, ont de quoi faire réfléchir à deux fois avant de se ruer sur les sites d'enchères pour dégoter ce fameux pull.