J'ai essayé de ne pas y penser. J'étais très motivée, je voulais vraiment faire des films et je m'en fichais d'être une femme. Et c'est peut-être pour cela que j'ai survécu : parce que je n'ai pas prêté attention au fait que j'étais une femme et soit-disant plus "faible" que mes collègues masculins. Ce n'est que depuis deux ans que je réalise que je suis considérée comme "différente" par rapport aux hommes réalisateurs. Mais c'est arrivé très tard bizarrement... Je trouve que c'est une chance de ne l'avoir réalisé que tardivement ! Parce que si j'y avais pensé tout le temps, cela m'aurait paralysée. Je pense que cela m'a renforcée. C'est drôle d'ailleurs parce qu'en Pologne, mes collègues ne savent pas vraiment comment me traiter parce que je suis une femme... Après, je pense que depuis quelque temps, être une femme peut aider car les gens s'intéressent de plus en plus aux réalisatrices. Et c'est bien !
Ce sont des petites choses... Je n'étais pas prise au sérieux même si je suis la seule réalisatrice, tous sexes confondus, depuis 1989 en Pologne qui réussit une carrière internationale, à faire les festivals, à être recompensée par des prix... Alors que mes collègues masculins ne le faisaient pas ! Mais comme j'étais une femme, on ne prenait pas au sérieux dans le milieu du cinéma polonais. Cela commence un peu à changer, probablement parce qu'ils n'ont plus le choix. Et je ne parle pas de Pawel Pawlikowski, qui a gagné l'Oscar du Meilleur film en langue étrangère pour Ida en 2015. Lui, est plus considéré comme un réalisateur anglais par les Polonais car il a longtemps vécu en Grande-Bretagne.
Oui, tout à fait ! Le cinéma américain est très sexiste. Il y a tant de clichés... Le héros masculin, les filles traitées comme des objets... Et d'ailleurs, il n'y a pas beaucoup de réalisatrices aux Etats-Unis. Je pense qu'il vaut mieux travailler en Europe quand on est une femme réalisatrice.
J'adore les films de Jane Campion, les premiers films des années 70 et 80 de la réalisatrice polonaise Agnieszka Holland comme Europa Europa, A Lonely Woman. J'aime aussi beaucoup le travail de la réalisatrice anglaise Andrea Arnold (Fish Tank).
Non, cela ne me dérange pas du tout. Je suis féministe, mais pas pour ce genre de chose. Je trouve ça chouette d'être récompensée pour mon travail. Pour moi, c'est une forme de tremplin.
J'ai pas mal de projets en cours, mais j'essaie de me concentrer sur mes projets polonais. Cela me paraît plus naturel de travailler dans ma propre langue, avec ma propre équipe polonaise. Je produis aussi. C'est une priorité pour moi à ce moment-là de ma carrière. Et même si je reçois beaucoup de propositions de films très commerciales, qu'ils viennent des Etats-Unis ou de France, je ne veux pas les faire pour le moment. Je veux me concentrer sur le cinéma d'auteur. Mais dans dix ans, je changerai peut-être d'avis...