Alors que la Coupe du monde de football 2018 aura lieu du 14 juin au 15 juillet en Russie, le pays opère une importante éradication de chiens errants dans les onze villes qui accueilleront la compétition. Dans la ville de Volgograd, rapporte un correspondant de Courrier International, les chiens errants trouvant abri dans les usines et chantiers étaient auparavant nombreux dans cette ville industrielle. À tel point que des bénévoles de Dino, un refuge pour animaux de la ville, leur rendait visite quotidiennement et les stérilisaient à leur frais. Mais aujourd'hui, plus de trace de ces chiens.
"En décembre, ils étaient sept ou huit ; ils ont tous été capturés, malgré le fait qu'ils avaient des colliers. Les vigiles nous ont raconté qu'ils ont entendu des glapissements, et quand ils sont sortis les chiens étaient déjà chargés dans la camionnette", explique Nadia Sergueeva, bénévole à Dino, avant de rajouter : "Ils ont capturé nos chiens, et le jour même on a su qu'ils avaient été tués". Selon cette bénévole, un seul d'entre eux a survécu, parce qu'il a eu "la chance" d'être attaché.
En réalité, ce dispositif d'éradication (qui s'en prend également aux chats errants) ne concerne pas uniquement les 11 régions qui accueilleront la Coupe du monde mais l'ensemble du pays. Lancé par l'ancien ministre des sports et l'ancien président de la Fédération russe de football Vitali Moutko (qui a quitté ses fonctions en décembre dernier après le scandale du dopage dans le sport russe) en septembre 2017, le projet est désormais entre les mains de son successeur Pavel Kolobkov. Vladimir Bourmatov, président de la Commission parlementaire pour l'écologie et la protection de la nature, a demandé au nouveau ministre de renoncer à cette mesure.
"L'abattage de chaque chien coûte entre 6 et 9 mille roubles [entre 85 et 130 euros]. Avec cet argent, on pourrait aisément financer la capture, la vaccination, la stérilisation et le maintien de ces animaux dans des refuges", a-t-il argué, avant d'ajouter : "c'est une question de réputation pour notre pays. Nous ne sommes pas des barbares pour abattre en masse des animaux dans la rue, jeter leurs cadavres ensanglantés dans des camionnettes et les trimbaler à travers la ville". Ce à quoi Pavel Kolobkov a répondu qu'il préférait "éviter toute mesure qui pourrait avoir un écho négatif dans les médias et être apparentée à de la cruauté envers les animaux", rapporte le correspondant de Courrier International.
Sur la toile, le mouvement indigne de nombreux internautes. Des citoyens ont créé la page "Bloody Fifa 2018" sur Facebook et dénoncent les pratiques barbares orchestrées par le gouvernement de leur pays : "En 2018, onze villes de Russie vont être noyées dans le sang des animaux errants. Pourquoi les éradiquer TOUS ? Simplement parce que les autorités locales et les services techniques des villes [...] sont persuadés que ces animaux vont indisposer les sportifs et les supporters, que ces animaux sapent 'l'attractivité touristique' des villes. Ils rêvent d'un monde en plastique sans feuilles mortes, sans herbes folles sur les pelouses, un monde sans animaux ni oiseaux. Pour eux, les animaux ne méritent pas de vivre !", peut-on lire dans l'une des publications.
D'après Ekaterina Dmitrieva, présidente de la Fondation pour la défense des animaux, la crainte de la Fédération Internationale de Football Association (Fifa) vis-à-vis de ses supporteurs n'a pas grand-chose à voir avec ce genre de décision. Après avoir mené une enquête minutieuse sur le site Internet des marchés publics, cette dernière révèle à Courrier International que les régions accueillant des matchs pour le Mondial ont déboursé plus de 100 millions de roubles (soit environ 1,4 millions d'euros) pour tuer ces animaux. "Cette boucherie touche tout le pays, elle se joue à tous les niveaux. La société est divisée entre les nôtres et les autres, avec les animaux en ligne de faille", commente la présidente de la fondation.
La vague d'indignation est loin de se cantonner en Russie : le phénomène touche les communautés du monde entier. De nombreuses associations de différents pays ont envoyé des courriers à la Fifa pour dénoncer ces pratiques cruelles et barbares. Voici sa réponse : "Nous avons reçu beaucoup de lettres, mais nous avons tant de choses à faire que nous en prenons note sans pour autant pouvoir vous aider. Il faut nous comprendre, désolé."