Six hommes, tous mineurs. Une jeune femme de 24 ans, atteinte de déficience mentale. Sur la vidéo, très choquante, on l'entend crier. On la voit se débattre contre ceux qui lui touchent les parties intimes. Bousculée, dénudée, touchée, insultée. Les garçons, eux, s'esclaffent. Dans ce bus qui continue de rouler, personne n'intervient. Personne, malgré les cris de la jeune fille.
La semaine dernière, un youtubeur belge a mené une expérience sociale en simulant des scènes de harcèlement dans les transports en commun de Bruxelles, afin de tester la réaction des passagers. Très peu d'entre eux avait réagi. C'est une situation similaire que la jeune marocaine au dû affronter. Sauf que, elle, a bel et bien été agressée.
La vidéo, largement relayée sur les réseaux sociaux depuis ce dimanche 20 août, est désormais supprimée de toute plateforme. Mais beaucoup d'internautes ont pu découvrir ces images effroyables qui se sont passées en plein jour à Casablanca, capitale économique du Maroc.
Les faits remonteraient apparemment à trois mois, et non au 18 août comme l'affirment plusieurs sources. Après avoir été violentée, la jeune femme a réussi à échapper à ceux qui l'ont collectivement violée et à se réfugier à l'avant du bus. Selon les autorités marocaines, les six agresseurs, âgés de 15 à 17 ans, ont tous été arrêtés ce lundi 21 août et sont désormais placés sous surveillance policière.
Selon les autorités, la jeune femme ne compte pas porter plainte. C'est pourquoi l'association Touche pas à mon enfant a décidé de lancer un appel à témoin sur Facebook pour traduire en justice "cette horde barbare qui s'est attaquée lâchement à une jeune fille".
La presse locale, elle, a dénoncé cette ignominie : "Horreur à Casablanca", "Des monstres commettent un crime odieux". La secrétaire générale de l'association Touche pas à mes enfants, Najia Adid, contactée par Jeune Afrique, décrit "une scène ignoble". "Personne ne n'a porté au secours de cette pauvre fille. C'est la loi de la jungle !"
Selon les chiffres officiels du royaume, deux Marocaines sur trois sont victimes de violences. Un cas très récent le prouve. Le 12 août dernier, une vidéo d'une dizaine de secondes montre une jeune femme poursuivie par une horde d'hommes, sans raison apparente. La scène se déroule dans le nord du pays, à Tanger, et avait déjà suscité un véritable tollé dans le pays.
Alors que des messages de compassion et de condamnation sont publiés sur les réseaux sociaux, des jeunes féministes appellent à un sit-in le 23 août à Casablanca, pour soutenir la victime. Selon la page Facebook de l'événement, le rassemblement devrait avoir lieu sur la place des Nations Unies à Casablanca. Environ 3000 personnes ont annoncé leur participation.
Wafae, 22 ans, confie au journal Le Monde que ces agressions sont (trop) fréquentes. "Que ce soit dans le bus, dans la rue ou même dans un souk plein de monde, on subit des attouchements, des insultes. Les hommes ouvrent leur braguette, collent leur sexe au dos des femmes et vont jusqu'à éjaculer sur nous. En plein espace public ! On a beau porter une djellaba large et un foulard, malgré la chaleur estivale, les hommes s'en prennent à nous." Autour de ces agressions, les témoins restent silencieux. "Ils lèvent les yeux au ciel, font semblant de ne pas voir. Les chauffeurs de bus n'interviennent jamais."
Selon les premiers éléments de la DGSN, ce viol collectif remonte à trois mois. Interrogé par le HuffPost Maroc, Youssef El Ouedghiri Idrissi, directeur capital humain et porte-parole de M'dina Bus, affirme qu'il n'a appris les fait que dans la matinée du 21 août. "Nous n'avons pour tout dire pas encore de certitude concernant la date à laquelle les faits se sont produits. Ce n'est qu'en observant les enregistrements (les bus sont équipés de caméras de surveillance ndlr), qui sont toujours en cours d'extraction, que nous pourront statuer."
Mais le directeur de la société de transport tient à dédouaner le chauffeur du bus de toute responsabilité. "Si vous analysez bien la vidéo partagée, la durée est très limitée, pas même une minute. Au début, la fille ne criait pas de façon alarmante. Un conducteur ne peut pas forcément relever qu'il y a problème, le bruit dans un bus faisant partie du quotidien (...) Il se peut très bien que le conducteur n'ait pas du tout fait attention aux faits (...) Les querelles sont le lot de pratiquement chaque voyage", poursuit-il. Il tient à préciser quand même que lors du visionnage des vidéos de surveillance, "on pourra déterminer si le conducteur a bien pris conscience ou non des faits" et que, "le cas échéant, il sera tenu pour responsable".