Des gros plans sur des fesses de mannequins vêtues de pantalons moulants en latex, des corps allongés ou courbés qui semblent "offerts" aux désirs du public... Dire que la dernière campagne publicitaire de la maison Yves Saint Laurent s'apparente à la pochette d'un album provoc de Damien Saez ou à un fantasme porno-soft n'est pas le meilleur des compliments. Mais c'est plutôt mérité vu la délicatesse de l'ouvrage.
Objectification assumée du corps des femmes, ultra-sexualisation de jeunes modèles dont l'on ne voit pas ou peu le visage (simplement leur plastique, saisi par un regard libidineux)... L'élégance semble aux abonnés absents. Amis de la subtilité, fuyez tant qu'il est encore temps. Et cette campagne signée par le photographe Juergen Teller n'a laissé aucune voix indifférente. Du côté des militantes féministes par exemple, les affiches de Saint Laurent font beaucoup parler.
"Saint Laurent, vous récidivez dans les images sexistes en exposant aux regards du public une image attentatoire à la dignité des femmes : bassin cambré, position passive... et quel rapport avec l'objet vendu ?", fustige en ce sens l'association féministe des Chiennes de Garde sur Twitter. On peut effectivement se poser la question.
"Le sexisme des campagnes Saint Laurent n'est plus à démontrer", poursuit à l'unisson la philosophe féministe Camille Froidevaux-Metterie. "Ces images ne sont pas pour tout le monde. Elles sont pour ceux qui préfèrent regarder des fesses de femmes que de discuter et d'apprendre d'elles", développe encore une internaute. Le point de vue porté sur les fesses des modèles semble effectivement primordial au fil de ces affiches où le focus réduit exclusivement celles-ci à leur sexualisation, et le spectateur ou la spectatrice à une position voyeuriste.
Un sexisme inavoué, mais normalisé ? C'est ce que semble aujourd'hui assurer Margaux, maîtresse de conférence en sciences environnementales à l'université de Paris. Dans les pages de Libération, celle-ci explique avoir porté plainte auprès de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) en insistant sur "la représentation de la jeune femme comme un objet sexuel déshumanisé" et "la mise en scène de sa vulnérabilité".
En tout, ce sont dix plaintes qui ont été déposées en quelques jours auprès du jury de déontologie publicitaire en octobre dernier.
Ces plaintes fustigeaient justement cette déshumanisation de la femme, réduite à la condition de femme-objet, mais aussi le rapport étroit entre ces photographies et une culture du viol trop normalisée dans notre société. Or, si le sexisme de certains clichés de cette campagne a été reconnu par le jury, ce dernier a néanmoins ajouté "qu'ils n'encourageaient pas des comportements de prédation sexuelle et ne banalisaient pas la violence".
Un verdict des plus décevants quand l'on sait que "YSL", il y a trois ans déjà, déployait une publicité noir & blanc au féminisme bien timide : on y voyait une mannequin en rollers, allongée par terre, les jambes écartées. "Comment un mannequin peut penser que c'est un honneur de poser dans une position aussi humiliante ?!, s'interrogeait alors une internaute, jugeant comme beaucoup d'autres cette photographie "dégradante".
Selon Libération, Margaux et l'association Les Chiennes de garde ont fait appel de la décision de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité et une seconde délibération aura lieu au mois de janvier.