« Les femmes sont toujours meilleures à l’école, de plus en plus présentes dans les classes de formation supérieure et arrivent sur le marché du travail avec des qualifications de plus en plus élevées. Et pourtant, elles sont encore très faiblement présentes dans les instances de direction des entreprises et dans les Codir et Comex ». Ce constat, c’est Véronique Deprez-Boudier, chef du département travail-emploi au Centre d'analyse stratégique (CAS) qui le fait. Quels sont alors les ressorts mobilisés par les femmes qui parviennent aux postes à responsabilité ? « Certaines ont brisé le plafond de verre, d’autres l’ont contourné, en tout cas toutes l’ont intériorisé », résume Mme Deprez-Boudier. Et sur la vingtaine de dirigeants et dirigeantes invités au Palais Brongniart le mardi 9 avril par la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem, à l’occasion de la conférence sur « Le plafond de verre, les enjeux de l'accès des femmes aux Comex/Codir », tous sont d’accord : ce plafond de verre existe bel et bien, et si les mesures pour le briser se multiplient, la route pour une égalité professionnelle effective est encore longue. « Il est indispensable d’impliquer totalement le top management des entreprises », martèle cependant la ministre, résolue à voir les Comex et Codir se féminiser dans les prochaines années.
Un enjeu objet d’une première table ronde, réunissant une dizaine de dirigeants de grands groupes, parmi lesquels La Poste, EADS, Danone ou encore Veolia. Alors qu’on ne compte pas une seule femme parmi les dirigeants du CAC40, et aucune non plus à la tête du SBF 120 (Société des bourses françaises), tous l’assurent pourtant : la mixité apporte une vraie plus-value et est un enjeu de performance dans les équipes. Pour Muriel Pénicaud, DRH de Danone, il existe malheureusement « deux plafonds de verre : celui propre à l’organisation et celui qui est dans la tête des hommes et des femmes ». Et de rappeler que selon un sondage ELLE Ipsos, 36% des hommes estiment normal de privilégier un homme plutôt qu’une femme à l’embauche. Comment fissurer ce plafond de verre ? Tous évoquent les mêmes leviers : développer le mentoring, lutter contre les stéréotypes, accompagner les talents et agrandir les viviers, développer les réseaux de femmes en entreprise, tenter de faciliter la conciliation entre vie privée et vie professionnelle… Pour Antoine Frérot, PDG de Veolia Environnement, il n’y a surtout « pas d’autre solution que de prendre des dispositions de discrimination positive, au moins dans un premier temps ». Quid alors de l’instauration de quotas pour féminiser les postes à responsabilités ? Stéphane Richard, PDG de France-Telecom Orange le concède « ils permettent d’aller plus vite ». Reste qu’une solution, déjà testée dans certains groupes, semble convaincre : l’intéressement des dirigeants et managers à l’atteinte des objectifs de mixité. « Nous sommes pour que les objectifs de féminisation se traduisent par des euros à la fin de l’année », affirme ainsi Marwan Lahoud, Président d’EADS France.
Et parce qu’égalité professionnelle rime souvent avec équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, la question de la maternité a évidemment été abordée. Est-elle un frein à l’ascension professionnelle ? « C’est un peu une question d’organisation, et beaucoup une question de représentation : trop de recruteurs ont encore la crainte d’avoir des femmes jeunes dans une équipe, analyse Muriel Pénicaud. Et puis se pose la question de l’équilibre entre vie pro et vie privée, qui pèse encore plus sur les femmes que les hommes… Mais avec la nouvelle génération, cette question va à mon avis se déféminiser. » Et d’assurer que de toute façon, « il faut refuser de choisir, il faut tout vouloir ! ».
Quant à la question des écarts de rémunération, Stéphane Richard l’assure : dans son groupe, s’il n’y a pas d’écart à l’embauche, ils se creusent au fur et à mesure des carrières. La priorité : qu’égalité de poste signifie égalité de rémunération. Et la plupart des groupes appliquent déjà le système d’enveloppes de rattrapage, « pour pallier les écarts » en réévaluant les salaires.
Après près de quatre heures de table ronde et d’échanges, c’est la ministre Najat vallaud-Belkacem qui conclut la matinée de colloque. « Il a été démontré que la féminisation des postes de direction a globalement dépassé le stade du discours, même si le chemin à parcourir reste long », résume-t-elle, avant de pointer l’importance pour elle des réseaux de femmes, des « acteurs du changement et de la modernisation de l’entreprise ». Et face au besoin de féminiser les postes de direction, la ministre a signé avec seize grandes entreprises une convention cadre pour accompagner le changement en France en termes d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Elle a par ailleurs annoncé que, pour évaluer l’atteinte des objectifs chiffrés, tous les ans, un bilan de l’application de la loi sur la représentativité équilibrée entre hommes et femmes au sein des Conseils d’administration et de surveillance et de la féminisation des Comex au sein du SBF 120 sera publié et examiné au sein du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle. « Nous avons également besoin d’autres initiatives » mais aussi de les « valoriser » : « nous publierons désormais une fois par an un classement des entreprises du SBF 120 qui donnera pour chacune de ces entreprises la part des femmes dans les Comex et Codir ». Un baromètre qui sera publié sur le site du ministère des Droits des femmes ainsi que via les partenaires médias, parmi lesquels Terrafemina.
Najat Vallaud-Belkacem : "Non, les femmes ne manquent pas pour intégrer Comex et Codir !"
Égalité professionnelle : Najat Vallaud-Belkacem veut "briser le plafond de verre"
Les nouveaux réseaux féminins moteurs des entreprises
Égalité professionnelle : les bonnes pratiques du réseau féminin du groupe Accor