Pour la 21e année consécutive en France, le mois d’octobre est placé sous le signe de la lutte contre le cancer du sein à travers la campagne « Le cancer du sein, parlons-en ! ». À cette occasion, une campagne d’information destinée aux femmes entre 50 et 74 ans rappelle l’importance d’un dépistage régulier pour prévenir la maladie. Alors qu’une femme sur huit sera concernée par la maladie au cours de sa vie, la mammographie reste l’arme la plus efficace pour la prévenir. En effet, détecté à un stade précoce, le cancer du sein peut non seulement être guéri dans plus de 90% des cas, mais aussi être soigné par des traitements de moins en moins agressifs. C’est dans ce contexte que le professeur Henri Joyeux, chirurgien cancérologue, et le docteur Bérengère Arnal, gynécologue obstétricienne, ont publié Comment enrayer « l’épidémie » des cancers du sein et des récidives ?, un livre coup de poing dans lequel ils pointent du doigt la responsabilité de la pilule contraceptive dans le développement de tumeurs cancéreuses. Pour ces professionnels de santé, les contraceptifs oraux dont certains sont accusés d’occasionner des accidents artériels et veineux auraient des effets indésirables bien plus pervers.
« Les seins sont deux glandes hormono-dépendantes. À la puberté, ils se forment progressivement, d'abord sous l'action de trois types d’œstrogènes fabriqués par les ovaires. Puis lorsque le cycle se met en place, les ovaires fabriquent la deuxième hormone, destinée à préparer une éventuelle grossesse. Il s’agit de la progestérone, qui signifie “pour la gestation”. Globalement de quinze à cinquante ans, c’est-à-dire pendant 35 années consécutives, les ovaires des femmes fabriquent cycliquement et mensuellement, œstrogènes et progestérone », explique Henri Joyeux. Un cycle naturel que la pilule vient perturber en bloquant l’ovulation. « Avec la pilule contraceptive, on remplace les hormones fabriquées par les ovaires par des hormones artificielles, mais à des taux 20 à 50 fois supérieurs à la normale. Pendant trois semaines, les femmes sous pilule reçoivent donc un important shoot hormonal, avant que les comprimés placebos (sans hormone, ndlr) ingérés pendant la quatrième semaine ne déclenchent les menstruations ».
>> Pourquoi la pilule et les règles sont-elles cancérogènes ? La réponse de Philippe Vignal, gynécologue <<
Problème, cette surexposition aux œstrogènes n’est pas sans conséquence et pourrait être responsable de la hausse continuelle du nombre de cancers du sein. « En 1975, nous avions 7 000 nouveaux cas par an. Pour cette seule année 2013, 60 000 nouveaux cas ont déjà été recensés, chez des femmes de plus en plus jeunes qui plus est », déplore le cancérologue. Une analyse que partage Philippe Vignal. En 2012, lors de la sortie de L’enfer au féminin, sortir du cycle règles-cancer, ce gynécologue affirmait que contrairement aux idées reçues, le cancer du sein n’était pas une maladie multifactorielle. « Le dénominateur commun est toujours le même, ce sont les œstrogènes. Quand on dit que le poids est un facteur de cancer du sein, on oublie que la prise de poids induit une augmentation de l’exposition aux œstrogènes », signalait-il alors.
À l’heure actuelle pourtant, aucune étude ne permet d’évaluer la responsabilité de la pilule dans le développement de la maladie. « Si on donnait des chiffres, les femmes la consommeraient de moins en moins », présume le professeur Joyeux, accusant au passage l’industrie pharmaceutique de garder les principales intéressées dans l’ignorance « par crainte d’une explosion du nombre d’avortements ». Et si, selon lui, « les mères commencent à comprendre » et à chercher de nouveaux moyens de contraception, il regrette que les jeunes filles soient exposées aux « publicités mensongères des laboratoires » et que dans les collèges, lycées et universités, « la pilule leur soit désormais distribuée sous forme d’échantillons, sans la moindre explication ».
>> Découvrez nos conseils pour réduire les risques de cancer du sein <<
L’information : c’est est en effet le cheval de bataille d’Henri Joyeux afin de permettre aux femmes de choisir un moyen de contraception inoffensif et ainsi d’enrayer la progression de l’épidémie de cancer du sein. Et à celles qui, malgré tout, ne jurent que par la pilule, il conseille de limiter au maximum sa prise. « Actuellement, les femmes consomment la pilule pendant 11 ans en moyenne ; leur corps reçoit ainsi d’énormes doses d’hormones exogènes. Or, cinq années au total seraient largement suffisantes. Mieux vaut donc commencer la pilule le plus tard possible. » Mais les femmes ne sont pas les seules concernées, leur partenaire ayant également un rôle à jouer pour prévenir la maladie. « Les hommes considèrent trop souvent, et à tort, qu’ils n’ont pas le moindre effort à faire dans la gestion de leur sexualité. Résultat, ce sont les femmes qui paient le prix de leur irresponsabilité. Ils doivent donc, eux aussi, être sensibilisés », estime le professeur Joyeux. Ces messieurs y sont d'ailleurs tout à fait enclins. Pour preuve, en 2012, un sondage exclusif du CSA pour Terrafemina révélait que 91% des Français considèrent que la contraception est « autant l'affaire de l'homme que de la femme ». Mieux encore, 61% des hommes s'étaient alors dits prêts à prendre une contraception orale masculine, si elle existait. Chiche ?