On l'appelle la spectrophilie, le fait d'aimer faire l'amour avec les esprits. Une pratique si peu répandue que même le correcteur automatique propose de remplacer le terme par "spectroscopie", l'étude expérimentale de la décomposition du spectre d'un phénomène physique. Beaucoup moins spirituel, donc.
Si elle est rare, la spectrophilie n'est pas nouvelle. A l'antiquité déjà, on retrace des témoignages de mésopotamiens qui avouent avoir tiré leur coup avec Casper. Les fantômes qui visitaient les humains se diviseraient en deux catégories : les succubes, des spectres femelles qui batifoleraient avec des hommes et les incubes, des spectres mâles qui viendraient réveiller de belles endormies. Les esprits de l'époque seraient donc hétéros. Soit.
Jusqu'ici, on se dit que ça fait partie du charme du passé, et que pourquoi pas. Ça ne nous choque pas vraiment qu'une poignée de citoyen·nes d'il y a 5000 ans racontent à qui veut l'entendre que la nuit, des morts viennent leur faire des gâteries.
Mais voilà, le phénomène ne s'est pas arrêté là. Les sessions intimes avec l'au-delà ont traversé les siècles et se sont même érigées en fantasme absolu quand Demi Moore a fait vibrer le tour de potier dans les bras de Patrick Swayze, dans Ghost. De quoi renvoyer l'image du vieux drap informe au placard et se laisser tenter par l'éventualité d'un rapprochement irrationnel.
C'est à peu près ce qu'à du se dire Amanda Teague, une jeune Irlandaise, lorsqu'elle a rencontré pour la première fois son futur mari et amant : le fantôme d'un capitaine de piraterie mort il y a 300 ans, qu'elle a ensuite épousé non-légalement sur un navire au large d'Haïti. On encore Aude, une Française interviewée par Vice en 2014, et qui explique que depuis que son esprit coquin débarque toutes les nuits, sa vie sexuelle réelle a un peu ralentie. Le plan à trois spectral ne doit pas plaire à tout le monde.
Alors tout ça, c'est bien sympa, mais comment fait-on concrètement pour se retrouver avec une présence mortelle dans son lit ? Est-ce qu'on attend bien sagement que l'on vienne nous caresser, ou est-ce qu'on ordonne au fantôme de se pointer ?
Les deux techniques existent. La première ne demandant pas vraiment d'imagination, ni d'effort, on se concentrera sur la suivante : l'invocation de ce plan cul peu banal. Une journaliste de Cracked qui s'est aussi passionnée pour le sujet a découvert summoningsuccubus.com, le site que tout spectrophile qui se respecte a ajouté à ses favoris.
Les avis sont plutôt satisfaits. On remarque notamment celui de Fernando, de Los Angeles, qui semble avoir atteint le Nirvana : "Je n'ai jamais connu une nuit de passion comme celle que j'ai vécue après avoir découvert le pouvoir de l'expérience avec une succube. Je me sens renaître". Ou encore celui de Henry, un Amsterdamois au départ plutôt sceptique mais qui en est ressorti convaincu : "Au début, je pensais que toute cette histoire d'esprits était une grosse connerie. Erik [Vonroth] m'a prouvé le contraire et je l'en remercie".
Erik Vonroth, c'est le fondateur du site et auteur de A practical Guide for Summoning Succubus, Incubus and Sexual Spirits, soi-disant best-seller sur e-book, qui demande aussi la modique somme de 79 dollars (au lieu des 527 dollars estimés, l'affaire du siècle !) pour rejoindre sa communauté d'accros au sexe avec un démon. On connaît un autre nom pour ça : une secte.
Heureusement pour les curieux·ses fauché·es, on peut aussi se procurer une planche de Ouija et espérer que le visiteur qui répondra à l'appel viendra uniquement pour faire des galipettes sous la couette - et non pour hanter notre famille sur trois générations.
On a juste à prononcer son nom, lui poser des questions type "tu préfères être la grosse ou la petite cuillère ?" et le laisser diriger la flèche vers ses réponses plus ou moins directes et explicites. Le tout avec quelques bougies et une nuisette Monop', et l'affaire est dans le sac.
Aussi loufoque que ça puisse paraître, croire dur comme fer en une forme spirituelle qui nous fait du bien d'une façon ou d'une autre est humain. Et comme le rétorque Amanda Teague (Madame Pirate) : "Les gens qui me disent folles croient en Dieu. Quelle est la différence ?".
Alors si vous aussi, vous vous sentez prête pour une expérience extraordinaire au sens littéral du terme, ouvrez vos chakras et attendez l'orgasme. Ce n'est pas ici qu'on vous jugera.