C'est une nouvelle qui a été largement médiatisée : début avril, la chanteuse et actrice Demi Lovato a expliqué s'identifier comme pansexuelle. Avant elle déjà, des personnalités mondialement célébrées comme Chris(tine & The Queens), Miley Cyrus, Cara Delevingne ou encore Coeur de Pirate avaient déjà évoqué leur pansexualité. Une dénomination parfois simplement raccourcie en "pan", sur les réseaux sociaux notamment.
Une nouvelle mise en avant retentissante d'un terme encore trop incompris. Pourtant, il est limpide : "Pan" signifie "Tous" en grec. La pansexualité désignerait donc une attirance, sexuelle et/ou sentimentale, qui ne se limiterait pas à un seul genre, et qui interrogerait d'ailleurs la notion-même du genre et de sa binarité traditionnelle.
A quelques semaines avant la Journée internationale de la visibilité pansexuelle du 24 mai, ou Pansexual Visibility Day, c'est la sexologue féministe Tiphaine Besnard-Santini qui nous dit tout sur cette attirance plurielle.
Tiphaine Besnard-Santini : Il y a dans la pansexualité l'idée que l'on peut désirer au-delà de la binarité de genre, que le désir peut s'éprouver envers des hommes et/ou des femmes, mais aussi des personnes non-binaires, agenres [qui ne s'identifie à aucun genre, ndrl], gender fluid. Une attirance plurielle qui serait donc à définir en dehors de la question du genre, peut-être davantage envers l'individu que son genre défini.
De ce fait, je pense que toutes les personnes qui privilégient une réflexion plus large sur les sexualités et la question du genre en général préféreront le terme pansexuel au terme bisexuel. C'est presque un choix de catégorie politique. Cette question de l'identification aux genres peut donc, par-delà celle de l'attirance, concerner la personne qui se dit pansexuelle elle-même.
Comprendre, les personnes pansexuelles peuvent elles-mêmes avoir une identité de genre et sexuelle plus fluide et inclusive, par rapport aux personnes bisexuelles. Un certain nombre de personnes pansexuelles pourraient ainsi potentiellement se définir comme des personnes non-binaires.
Une pansexualité peut aussi, éventuellement, intégrer des pratiques sexuelles moins normées, moins associées à ce que l'on considère comme la norme - je pense par exemple au BDSM. La pansexualité suggère une ouverture d'esprit plus large dans l'expression du désir.
TBS : Non, parmi les personnes qui se disent pansexuelles, les définitions et les perceptions évoluent selon les expériences individuelles : certaines emploieront effectivement ce terme pour désigner des relations et pratiques sexuelles, et d'autres, des relations avant tout sentimentales, de l'attachement romantique et amoureux.
TBS : Oui, et en ce sens je pense que le terme de pansexualité peut aussi s'envisager comme une réaction directe à un certain "passif" déplaisant du côté des personnes bisexuelles. Car des années durant, l'emploi du mot "bisexualité" a pu malheureusement générer bien des préjugés selon les milieux et les communautés, préjugés dont ont pu souffrir et souffrent encore les principaux et principales concerné·e·s.
Prenons l'exemple des femmes bisexuelles. Elles ont pu faire l'objet de stigmatisation et potentiellement de rejet dans un milieu hétéro masculin (leur bisexualité y est volontiers détournée pour être perçue comme "sexy" par les hommes cisgenres, comme une sexualité excitante pour eux), mais aussi dans le milieu LGBTQ : en ayant des relations avec des hommes hétéros cisgenres, elles peuvent être prises pour des "traîtresses".
Beaucoup de femmes vont finalement souffrir de cette appellation stigmatisante qui les met en porte-à-faux. A l'inverse, il me semble que "pansexualité" n'induit pas toute cette stigmatisation, ou ces fantasmes pas vraiment bienveillants. C'est devenu un terme valorisé, moins invalidant et incompris.
Il peut permettre aux personnes concernées de s'émanciper de tous ces complexes et incompréhensions. Là où hélas, la personne bisexuelle risque d'être simplement perçue, aux yeux des personnes hétérosexuelles notamment, comme quelqu'un qui "n'arriverait pas à choisir" entre les sexualités.
TBS : Je pense que revendiquer sa pansexualité quand on est une personnalité publique peut aider à éveiller des consciences. Le fait que toutes ces célébrités abordent le sujet accole à la dénomination-même une dimension indéniablement positive, moins tabou, des connotations enthousiasmantes.
Cela permet de médiatiser davantage le sujet. Et pourquoi pas de l'aborder un jour dans les séries, les films, et finalement, de banaliser la chose. Les effets positifs sont à long terme et cette prise de parole fait sens.
TBS : Le plus important reste encore que les psys, thérapeutes et sexologues mettent en évidence leur position "située", le caractère inclusif de leur démarche. En ce qui me concerne, je suis une sexologue féministe et je le revendique dans mon approche, qui est queer et féministe, ouverte aux communautés de genres.
L'indiquer ouvertement dans son approche évite des quiproquos, et plus encore des maltraitances thérapeutiques, notamment par rapport à la question du genre. Et cela permet également d'éviter le mauvais emploi de termes, l'usage de mauvais conseils. Un collectif indépendant de psychologues et thérapeutes noir-e-s comme Psy NoirEs par exemple revendique une approche "située" afin de fédérer une même communauté d'expériences.
Quand il est question d'expertise, c'est important de savoir à qui l'on à faire, que l'on soit le/la spécialiste ou la personne concernée. Cela permet de s'assurer d'une zone de confort pour aborder ces problématiques.