915 femmes disparues au Pérou en trois mois et demi, de la mi-mars à la fin juin. C'est un chiffre colossal et tragique. Il est avancé à l'AFP par Eliana Revollar, militante féministe à la tête du bureau national des droits des femmes. Parmi ces anonymes dont l'on ne retrouve plus la trace, 70 % seraient encore mineures, poursuit l'agence de presse. Des "portées disparues" qui mettent en lumière les conséquences dramatiques du confinement.
Notamment la recrudescence des violences conjugales durant ces interminables semaines d'isolement, comme l'énonce le média international France 24. Et ce n'est pas tout : pour Eliana Revollar, la réponse des autorités à ces données inquiétantes est (très) loin d'être satisfaisante. Pire, l'on serait même face à une forme de déni systémique. "Il y a une résistance de la police à enquêter sur ces affaires", a déclaré à ce titre la responsable. Les arguments mis en évidence ? L'absence d'un registre national conséquent des personnes disparues, par exemple. Une faille qui ne fait qu'invisibiliser davantage les personnes opprimées.
Car comme l'indique L'express, le phénomène des disparitions ne date pas d'hier. Avant le mois de mars et la mise en branle des mesures contre la pandémie, on dénombrait déjà pas moins de cinq disparitions par jour en moyenne au sein de la société péruvienne. Aujourd'hui, ce taux serait carrément monté à huit. Comme si le confinement n'avait fait qu'exacerber une réalité déjà alarmante pour les femmes, leurs droits et leur sécurité.
Cela fait d'ailleurs des années qu'elle l'est - alarmante. En 2019 déjà, l'on dénombrait pas moins de 100 féminicides déplorés en sept mois, dixit RFI. Un chiffre alors record : pour une période similaire, c'est 22 % de plus qu'en 2018. De plus, rappelle L'express, certaines situations déclarées comme des "disparitions" se sont finalement avérées être des cas de féminicides. S'ils intimident, ces chiffres seraient donc encore loin de la réalité.
Citoyennes et militantes luttent pour que ces violences soient reconnues - et combattues. Cela fait quatre ans que la Marche annuelle organisée par le mouvement féministe "Ni una menos" ("Pas une de moins") perdure dans le pays pour dénoncer les violences de genre. Violences qui prennent bien des visages, tel que l'énumère France 24 : abus domestiques, physiques et psychologiques, mais aussi traite des êtres humains, prostitution forcée des jeunes filles, exploitation sexuelle.
Malgré le retentissement de ces manifestations et certaines évolutions juridiques et sociales, comme l'intégration du féminicide au code pénal péruvien en 2013, les choses peinent encore à bouger dans le pays, du traitement des disparitions et des victimes de violences domestiques au dépôt - toujours aussi ardu - des plaintes.
A ce contexte peu enthousiasmant s'ajoute désormais un autre fléau, la pandémie du coronavirus. 384 000 cas de contaminations, 18 000 décès... Le Pérou croule encore une fois sous les chiffres, devenant la troisième région d'Amérique du Sud la plus touchée jusqu'ici. Une crise sanitaire qui n'épargne évidemment pas les femmes.