"Mon nom est Camila Canicoba et mes mensurations sont 2 202 féminicides en neuf ans dans mon pays". Retransmise en direct sur les toutes télévisions péruviennes, l'élection de Miss Pérou a donné l'occasion aux 23 candidates de s'unir d'une seule et même voix pour dénoncer les violences faites aux femmes dans ce pays d'Amérique du Sud qui recense le plus grand nombre de femmes violées, derrière la Bolivie, selon l'Observatoire de la sécurité citoyenne, qui dépend de l'Organisation des Etats américains (OEA).
Ainsi, le 29 octobre au soir, sur la scène du grand théâtre de Lima, les finalistes de l'élection nationale ont énoncé les statistiques alarmantes liées à ce fléau, à la place de leur taille et leur tour de hanche. "Une fillette meurt toutes les dix minutes (dans le monde, ndlr) victime de l'exploitation sexuelle", a dénoncé la candidate Samantha Batallanos. "Plus de 70% des femmes [du] pays sont victimes d'harcèlement dans la rue", a rappelé de son côté Juana Acevedo.
Ces discours ont sonné comme des cris d'alarme à l'initiative de Jessica Newton, Miss Pérou 1987 et organisatrice de cette édition 2017. "Ceux qui ne dénoncent pas et ceux qui ne font rien pour que cela cesse se rendent complices", a-t-elle déclaré dans un entretien téléphonique accordé à BuzzFeed. Selon elle, briser le silence publiquement peut sortir des victimes de leur isolement. "Malheureusement, il y a beaucoup de femmes qui ne savent pas et pensent être des cas isolés, explique-t-elle à l'AFP, citée par 20 Minutes. La reine de beauté nationale doit être l'ambassadrice des femmes qui se tiennent debout, de toutes celles qui n'ont pas de voix".
Cette mobilisation fait suite à l'affaire Weinstein, déclencheur d'une prise de parole internationale des femmes, et au scandale provoqué par la vidéo d'une Péruvienne traînée au sol par son compagnon début octobre. Ces images tournées par une voisine et partagées sur les réseaux sociaux ont fait l'effet d'une bombe dans le pays. Selon le mouvement féministe Ni Una Menos, cité par BBC Mundo, au moins un féminicide ou une tentative de féminicide a lieu chaque jour, en majorité perpétré par un conjoint ou un ex-conjoint.
Selon le ministère de la femme et des populations vulnérables, 82 féminicides et 156 tentatives ont été recensés entre janvier et août 2017. Des chiffres témoignant d'un réel problème de société et de l'intérêt qu'aurait le gouvernement à durcir les lois en vigueur pour encourager les victimes à parler. Car si le féminicide a été ajouté au code pénal péruvien en 2013 et qu'il est désormais passible d'une peine de prison, la majorité des femmes a peur de porter plainte contre son agresseur.
Ni Una Menos a organisé une marche le 25 novembre prochain pour réclamer une meilleure législation en vue de protéger les femmes victimes de violences. L'intervention des Miss mobilisera-t-elle davantage les Péruviens ? Comme l'a souligné le présentateur de l'élection : "Ce soir, nous ne parlons pas seulement de ces 23 femmes. Ce soir, nous parlons de toutes les femmes de notre pays qui ont des droits et méritent le respect".