Trois jeunes filles s’apprêtent à sortir en boîte. Elle s’habillent et se pomponnent, tout en buvant quelques lampées d’alcool, le tout en musique histoire de se mettre dans l’ambiance. Bref, les préparatifs assez typiques qui précèdent une sortie entre copines, selfie compris. Seule l’image de l’une d’elles, le visage barbouillé de maquillage, les vêtements déchirés et l’air hagard, apparaît de manière fantomatique. Arrivées en boîte, nos trois fêtardes flirtent, dansent et boivent. A la sortie, l’une d’entre elles, restée en arrière, se fait agresser par un homme qui porte une cagoule. Le message de fin s’inscrit alors en hongrois : « Tu y es pour quelque chose, tu peux faire quelque chose pour éviter ça. »
Ce clip vidéo, conçu pour être montré à de jeunes lycéens par la police du district de Baranya, illustre de manière choquante la vision sexiste de la police hongroise, pour laquelle la manière de prévenir les violences sexuelles consiste à culpabiliser les victimes. En mettant l’accent sur le maquillage des jeunes filles, la longueur de leurs jupes ou leur consommation d’alcool, cette séquence vise clairement à incriminer leur comportement. Comme si la solution pour endiguer les agressions sexuelles était de faire en sorte que les jeunes filles rallongent leurs jupes et surtout, restent au chaud chez leurs parents.
Une vision qui ne semble pas être l’apanage de la police de Baranya, puisque l’unité de police d’un autre district s’en est mêlée, expliquant dans un communiqué officiel que « [leurs] expériences montrent que la métacommunication féminine [Ndr : le langage corporel] joue un rôle important dans la prévention. C’est souvent la coquetterie des jeunes femmes qui déclenche la violence. » Soit un argument directement tiré de ce qu’on appelle la culture du viol.
Cette campagne a légitimement révulsé plusieurs groupes féministes hongrois qui ont réagi publiquement. « Ce n’est pas l’habit qui fait la victime », a rappelé dans un communiqué le collectif contre les violences sexuelles Keret, tandis que l’Association des femmes hongroises a mis en ligne une pétition pour que la police diffuse des vidéos qui « s’adressent aux agresseurs, pas aux victimes ».
Libération rappelle qu’un rapport publié par Amnesty International en 2007 pointait du doigt la persistance des préjugés au sujet des femmes victimes de viol dans le pays. Des clichés qui ont pour effet de dissuader les femmes agressées de porter plainte.
Notons cependant que la culture du viol n’est pas circonscrite à la Hongrie. Cet été, un article de 20 minutes expliquait très sérieusement que l’augmentation des agressions sexuelles l’été était due aux « comportements à risque » adoptés pendant les beaux jours par les vacancières.
>> La tribune scandaleuse du Washington Post sur les violences sexuelles <<