« C’est un fantasme de croire que l’ouverture de salles de consommation conduira à la légalisation des stupéfiants »
« Je suis favorable à l’instauration de salles de consommation pour la simple et bonne raison que cette mesure est un approfondissement de la logique de la politique de réduction des risques et des dommages que la France mène depuis le milieu des années 1990, et dont les fondements ont été reconnus par le biais de la loi de santé publique de 2004.
Les débats que soulèvent ces salles de consommation relèvent, selon moi, davantage de contingences politiques que d’un véritable débat de fond. C’est un sujet facilement « instrumentalisable » mais il est important de préciser que les fondements de ce dispositif sont les mêmes que ceux qui ont justifié en 1985, et de manière expérimentable, la mise en vente libre de seringues en pharmacie. Une mesure finalement rendue définitive en 1987.
Comme pour les programmes d’échange de seringues, l’ouverture de salles de consommation n’est en réalité qu’un outil supplémentaire de réduction des risques et de lutte contre la propagation des virus (hépatites, sida, etc.). C’est donc un fantasme de croire que l’ouverture de telles structures pourraient conduire, à terme, à la légalisation des stupéfiants : ce spectre est d’ailleurs brandi chaque fois qu’une nouvelle proposition visant à introduire des nouvelles mesures de réduction des risques est lancée. En 1993, Jacques Chirac affirmait déjà dans le Nouvel Obs que la distribution de méthadone mènerait à légalisation.
Un lien entre toxicomanes et professionnels de santé
Bien sûr, des structures existent déjà pour venir en aide aux toxicomanes. Problème : si, en théorie, elles doivent s’adresser à l’ensemble de cette population, en pratique, ce n’est pas forcément le cas. Et justement, les salles de consommation s’adresseront, elles, à ces individus précarisés qui ne sont pas encore dans une démarche de traitement et ne consultent donc pas les centres de soins. Ce dispositif rendra ainsi possible un lien entre certains toxicomanes et les équipes spécialisées et ouvrira, pour quelques-uns, la voie à un traitement futur. Et à ceux qui en douteraient : oui, de nombreux professionnels sont prêts à encadrer ces injections, comme c’est le cas à l’étranger, et l’ont d’ailleurs fait savoir.
À noter qu’il existe déjà 90 salles de shoot dans le monde, ce qui permet d’avoir quelques données sur leurs retombées. Dans les villes qui ont mis en place le dispositif, les évaluations ne pointent pas l’augmentation de faits de violence, au contraire. Il semblerait par ailleurs qu’elles contribuent à la réduction des overdoses et qu’elles participent effectivement à la diminution de la diffusion des virus de l’hépatite C et du sida. »
« Il n’y a pas de marche arrière dans le char de l'État »
« Tout comme l’Académie de médecine, je suis résolument contre l’expérimentation des salles de shoot. Pas seulement parce que c’est une fausse bonne idée, mais parce qu’il s’agit d’une vraie mauvaise idée. D’abord, parce qu’en France, nous n’avons pas la culture de l’expérimentation. Lorsqu’une mesure est votée, c’est comme si elle était gravée dans le marbre : il n’y a pas de marche arrière dans le char de l’État. Or, on nous parle d’une « expérimentation » des salles de shoot : c’est un subterfuge.
Par ailleurs, pour nous convaincre de la légitimité du projet, ses défenseurs comparent la France à d’autres pays ayant mis en place un dispositif similaire. Toutefois, ces pays ne disposent pas de structures (telles que les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers des drogues (CAARUD) ou les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA)) destinées à accueillir les toxicomanes et à leur offrir des produits de substitution pour leur faire rompre avec le cercle vicieux de l’injection. En France, ces entités sont mobilisées de longue date pour désintoxiquer les toxicomanes et certainement pas pour rendre leur toxicomanie pérenne et confortable.
« Quel médecin accepterait d’assister à l’injection d’un produit non identifié et non stérile ? »
Autre point de friction, le coût du dispositif qui sera important pour les collectivités. En effet, il ne s’agira pas simplement de mettre des salles à disposition, il faudra payer du personnel pour les entretenir, assurer les permanences, etc. En outre, les pouvoirs publics soulignent que les toxicomanes apporteront leur drogue, les autorités de santé se contentant, par le biais de leurs médecins, de superviser. Mais quel médecin accepterait d’assister à l’injection d’un produit non identifié et non stérile, quand on sait que les drogues peuvent être additionnées de produits toxiques ? Par ailleurs, qu’adviendra-t-il en cas de problème impliquant un toxicomane qui se serait drogué dans une de ces salles de shoot ? Qui sera responsable : l’État qui a autorisé l’injection ou le toxicomane ?
La consommation de drogue est interdite en France. La toxicomanie étant une maladie, tout toxicomane pris en flagrant délit doit être pris en charge et envoyé dans un hôpital, et non dans un lieu où il pourrait s’injecter sa dose en tout légalité. Aucune maladie, aucune intoxication n’a jamais été guérie avec le produit qui l’avait provoquée. Et à rendre trop fleuri le chemin de la toxicomanie, on risque surtout de supprimer un élément très fort qui contribue à sa dissuasion. »
Crédit photo : Photodisc
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