"Comment était ta journée ? T'as fait quoi aujourd'hui à l'école ?". Que le parent qui a obtenu un jour une réponse directe et franche à ces questions a priori banales nous jette la première pierre. Une majorité de parents se plaignent en effet du fait que leurs enfants rechignent à leur raconter leurs activités à l'école, quand ce silence obstiné ne les inquiète pas.
Or, pour le docteur Rafi Kojayan, pédopsychiatre, cette attitude a plusieurs explications. "D'abord, il faut prendre en compte le fait qu'un enfant de cet âge n'a pas la même mémoire qu'un adulte. Un élève de petite section de maternelle ne va pas forcément pouvoir raconter en détail ce qu'il a fait pendant la matinée ou l'après-midi, car sa mémoire n'est tout simplement pas assez structurée. De même, il ne faut pas s'étonner qu'il ne se souvienne pas du prénom de ses camarades. Les parents oublient souvent que leur enfant n'a pas la même capacité de mémoire qu'eux."
C'est donc moins un refus de parler qu'une incapacité tout à fait naturelle à restituer les activités de la journée. "Parfois, il va suffire d'un mot pour que l'enfant, par association d'idées, se mette à raconter quelque chose de sa journée de manière spontanée, ce qui montre que l'envie est là", poursuit le pédopsychiatre.
Par ailleurs, notre société de plus en plus voyeuriste et obsédée par le contrôle pousse les parents à vouloir toujours avoir, à la minute près, ce qu'il s'est passé pendant la journée de leur progéniture. Or, insiste Rafi Kojayan, "l'école doit rester l'espace privé de l'enfant. Dès lors, les parents qui vivent mal le fait d'en savoir très peu doivent se poser cette question : 'Suis-je prêt à à ce que mon fils ou ma fille prenne de l'autonomie ?'"
Pour lui, on oublie en effet souvent que les enfants ont le même besoin de liberté que les adolescents. "Le jardin secret ne se crée pas à 14 ans !", résume-t-il. De fait tout enfant doit avoir la possibilité de vivre ses propres expériences sans la surveillance permanente de ses parents.
La clé, c'est donc de faire confiance, et, le cas échéant, s'adresser à la maîtresse pour lui poser des questions. A partir du moment où un enfant ne change pas de comportement, il n'y a aucune raison de faire intrusion dans son espace intime.
Il existe en revanche des stratagèmes pour amener son enfant à raconter ce qu'il a fait au cours de sa journée. Un bon moyen consiste, pour le docteur Kojayan, à évoquer sa journée. "De cette manière, l'enfant devient acteur, et peut avoir envie de raconter à son tour son vécu." Mais pour cela, il est nécessaire de consacrer du temps à sa progéniture et non d'expédier cet échange entre le bain et le repas. Et c'est là que le bât blesse : nos modes de vie ne laissent pas le loisir aux parents débordés de prendre le temps de laisser l'enfant s'exprimer de lui-même. Le conseil : privilégier la qualité d'écoute, même si l'on a peu de temps.
Rafi Kojayan est pédopsychiatre et auteur de "L'éducation positive, c'est malin", aux éditions Leduc.