Faut-il ou non pénaliser les client(e)s des prostitué(e)s ? Depuis ce mardi, date à laquelle était rendu un rapport parlementaire de Maud Olivier autour duquel l’Assemblée doit légiférer ces prochaines semaines, le débat divise. Certaines associations voient en cette mesure une évidence. D’autres, notamment le syndicat des travailleurs du sexe (Strass) s’opposent à poser cet interdit. Tour d’horizon des arguments de chacun et des différentes options choisies par nos voisins européens.
« Tant que l'État permet, de manière légale, ou tolère, en refusant de s'intéresser à la problématique, qu'on puisse acheter des services sexuels, il envoie un message clair à l'ensemble de la société », martèle Caroline De Haas sur Mediapart. « Ce message, c'est que la libération sexuelle et l'égalité des sexes ne sont pas pour tout de suite. » C’est un des principaux arguments des pro-pénalisation du client. Pour Catherine Coutelle, députée PS, c’est un moyen de lutter contre « la dernière violence faite aux femmes qui n’est pas reconnue comme telle » : actuellement, c’est la victime qui est culpabilisée à cause du délit de racolage passif. Sans permettre d’abolir la prostitution, la pénalisation permet au moins de poser un interdit et de dissuader. Pour Maud Olivier, c’est une façon de faire baisser la demande. L'idée a été expérimentée en Suède, où depuis 1999, la prostitution de rue a baissé de moitié. Les clients y sont pénalisés par des amendes proportionnelles à leur salaire.
« La pénalisation des clients ne fera pas disparaître la prostitution, mais accentuera la précarisation des prostituées en les forçant à davantage de clandestinité, et en les éloignant des associations de soutien et de santé communautaire, et des structures de soins, de dépistage et de prévention », alarme le Strass dans un communiqué signé par des centaines d’associations. Pour Simon Porcher, contributeur du Plus du Nouvel Observateur, ce n’est qu’un moyen de lutter contre la prostitution « visible », qui n’endiguera en rien le phénomène des escort. Au contraire, si la prostitution de rue est réduite, la prostitution cachée ne fera que prospérer.
À Zurich, un « drive-in » du sexe est expérimenté depuis août dernier. Ouvert tous les jours de 19 heures à 5 heures du matin, le lieu accueille une cinquantaine de prostituées dans un quartier industriel de la ville. Sur place, le risque d’agression est moindre et une association peut venir en aide aux prostituées. Pour le directeur des services sociaux de la ville, il s’agit d’être pragmatique : « La prostitution c’est du business. Nous ne pouvons pas l’interdire, alors nous voulons la contrôler dans l’intérêt des travailleuses du sexe et de la population. » Au Pays-Bas ou en Belgique, l'équivalent de « maisons closes » existe également. Comme les salles de shoot induisent une acceptation de l’usage de drogue, une prostitution encadrée tolérerait la prostitution. Une idée qui hérisse le poil de beaucoup, et déplaît au Strass : cela « laisserait sur le carreau toutes les filles sans papiers ».
Autres mesures envisagées par Maud Olivier, la responsabilisation du client : « Il faut se retirer de l'esprit cette idée reçue qu'il y a des besoins particuliers chez les hommes », expliquait-elle hier lors d’un chat avec les lecteurs du Monde.fr, « il n'y a pas d'instinct sexuel, c'est un apprentissage global, de la société, qui fait que les hommes, comme les femmes, ont un besoin sexuel ». Également pointée du doigt pas la députée PS, la pornographie. « Il y a un lien entre prostitution et films pornographiques », estime Maud Olivier, qui compte sur l’éducation des jeunes pour qu’ils n’associent pas les deux.
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