Alors que le gouvernement a présenté son projet de réforme des retraites, reculant l'âge de départ à la retraite à 64 ou 65 ans à partir de 2030, celle-ci sera-t-elle vraiment synonyme de grands changements pour ce qui est de l'égalité hommes-femmes en France ? Une question essentielle alors que ces enjeux d'égalité passent aussi beaucoup par l'économie. On pense évidemment aux inégalités salariales : les salaires des femmes sont inférieurs en moyenne de 22% à ceux des hommes, d'après les chiffres de l'Insee.
La Première ministre Elisabeth Borne a assuré que cette réforme valoriserait les carrières "hachées et incomplètes" des femmes, comme le relève TF1. Et ce, notamment par le prise en compte du congé parental dans le dispositif carrières longues. Jusqu'à quatre trimestres validés dans ce cadre pourront être considérées. Une info qui importe alors que deux fois plus de femmes que d'hommes font l'objet de ces "carrières incomplètes".
Le gouvernement assure également que les femmes, et notamment celles ayant travaillé à temps partiel durant leur carrière, bénéficieront de l'augmentation du minimum de pension majoré.
Cependant, bien des voix expertes, féministes et économistes, remettent en question la pertinence de cette réforme.
Pourquoi ce recul de l'âge est contesté ? Auprès du JDD, Roxana Eleta de Filippis, maîtresse de conférences en sociologie à l'université du Havre, explique que ce sont avant tout les différences de salaire de référence qui créent l'écart de retraite entre les hommes et les femmes. Tant et si bien que le plus puissant moyen de réduire les inégalités de retraite entre les femmes et les hommes "serait de limiter les inégalités de carrière".
Comme l'énonce encore l'experte, les femmes reçoivent en moyenne 1 274 euros de retraite par mois, soit 24 % de moins que les hommes (1 674 euros), montant incluant la pension de droit direct, la pension de droit indirect et la majoration pour trois enfants et plus. En outre, le montant des pensions versées aux femmes est inférieur de 40 % à celui qui est versé aux hommes.
"Les femmes vont devoir travailler plus longtemps pour obtenir des pensions plus faibles", déplore en ce sens auprès de TV5 Dominique Meda, sociologue.
L'experte met également en évidence plusieurs problèmes de société, auxquels cette réforme apporterait peu de réponses selon elle. Par exemple ? La pénibilité des métiers dits "féminisés", qui serait "occultée, invisibilisée" dans notre société, comme les conditions de travail des aides soignantes. Une pénibilité qui importe quand on parle de recul de l'âge de retraite. Mais aussi, le fait que les femmes âgées sont de plus en plus pauvres, le taux de pauvreté des femmes retraitées étant de 10,4 %, contre 8,5 % concernant les hommes, ce taux atteignant même les 16,5 % pour les femmes âgées de plus de 65 ans et vivant seules.
"Les femmes ont des durées de carrière plus courtes parce qu'elles se retirent de l'emploi pour prendre en charge les enfants. Pour réduire les inégalités au niveau des retraites, il faut surtout s'attaquer à tout ce qui vient avant, pendant l'activité professionnelle mais aussi dans la société, favoriser un investissement plus important des pères auprès des enfants", affirme auprès de TV5 Monde la chercheuse Christiane Marty.
Assurant également que l'allongement de la durée de cotisation "pénalisera les personnes qui ont des carrières courtes, en majorité des femmes", l'experte en appelle en outre à appliquer un minimum à 85 % du SMIC, une bonne initiative pour lutter contre les inégalités selon elle.
Les syndicats appellent à une première journée de mobilisation contre la réforme ce 19 janvier.