Fabienne Broucaret : Je suis stupéfaite car cette demande n’a pas été faite à l’équipe masculine qui participera à cette même compétition ; aucun problème ne se pose pour leur participation. Demander aux joueuses de vendre des tickets de tombola et de trouver des sponsors revient à leur demander de se débrouiller seules. On a l’impression de parler de l’organisation de la kermesse de fin d’année d’une école, alors qu’il s’agit bel et bien d’une Coupe du monde, la compétition la plus prestigieuse, quelle que soit la discipline. Il s’agit aussi de l’équipe de France féminine, celle qui représente le pays au niveau international. Un tel fonctionnement à ce niveau est inconcevable et ridicule, d’autant que ces athlètes ne vivent pas de leur sport, elles ne sont pas payées. Elles doivent donc faire de nombreux sacrifices pour concilier leurs responsabilités professionnelles, familiales et leur vie de sportive de haut niveau. De plus, on ne parle pas ici d’une prise en charge à l’autre bout du monde, mais en Angleterre : la proximité géographique ajoute au ridicule de la situation.
F. B. : Que les garçons aillent en Angleterre et que les filles restent en France serait désastreux. D’abord, ce serait dommage car réussir à se qualifier pour une Coupe du monde exige énormément de travail et de sacrifices. Ne pas participer à cette compétition pour des raisons financières et non sportives enverrait un message ô combien négatif aux athlètes féminines accomplies et à celles en devenir : « Il n’y a aucune issue pour vous. Vos efforts sont vains. »
Je suis bien consciente que la fédération de rugby à XIII est une toute petite structure avec un maigre budget ; mais pourquoi avoir tout misé sur les garçons en leur finançant l’intégralité des frais liés à la compétition, plutôt que de couper la poire en deux en demandant aux deux équipes de se mobiliser pour trouver les fonds nécessaires ? Le problème aurait alors été différent. Or, là, il y a très clairement de la discrimination.
F. B. : Effectivement, si cette demande d’organiser une tombola avait été faite il y a une dizaine d’années, peut-être moins, personne n’aurait vu à y redire. Aujourd’hui, Internet et les réseaux sociaux aidant, cette discrimination a été largement relayée, les journalistes s’en sont ensuite emparés et même Le Monde y a consacré un article.
Par ailleurs, il y a désormais une réelle prise de conscience concernant l’inégalité de traitement entre les hommes et les femmes dans le sport. Les sportives osent dénoncer ces inégalités, raconter leur vécu et les associations féministes participent également à cette libération de la parole. Résultat, la population y est de plus en plus sensibilisée. Même le gouvernement a décidé d’agir ; la ministre des Sports et de la Jeunesse, Valérie Fourneyron, a d’ailleurs récemment annoncé des mesures concernant le sport féminin. Le chemin est encore long, mais nous sommes sur la bonne voie.
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