On salue son charisme, son dynamisme et son militantisme aussi. A seulement 35 ans, l'actrice afro-américaine Nafessa Williams a déjà marqué la petite histoire de la télévision, en devenant l'interprète de la première super-héroïne lesbienne noire d'une série. Sur le petit écran, elle est donc Thunder, alias Anissa Pierce, supergirl badass et inspirante à souhait évoluant dans le show Black Lightning (diffusé sur la CW et Netflix).
Mais qui est vraiment Nafessa Williams ? Native de Philadelphie, l'artiste traîne derrière elle un CV éclectique. Ancienne étudiante en droit pénal à l'Université de West Chester (en Pennsylvanie), Nafessa Williams a aussi bien investi l'univers des films indés que celui des soap operas – ces feuilletons un brin cheesy. Et a côtoyé, en dix ans, une multitude d'icônes afro-américaines. Au cinéma, à la télé, oui, mais aussi... dans les jeux vidéo.
Portrait d'un profil pluriel.
Nafessa Williams n'a pas attendu le plateau de Black Lightning, série à succès dont la quatrième saison vient tout juste de sortir sur le network CW (et Netflix), pour côtoyer lesdites icônes. En 2015 déjà, elle était choisie par Angela Bassett, comédienne et productrice emblématique (récemment aperçue dans le blockbuster Black Panther et la série anthologique American Horror Story), pour jouer dans le téléfilm Destin Brisé, dédié à une figure tout aussi inspirante : la regrettée chanteuse Whitney Houston. Et ce quatre ans après son premier grand rôle au cinéma, dans le film indé Streets de Jamal Hill. Elle y côtoyait une autre star, le rappeur Meek Mill.
En 2015 toujours, c'est ni plus ni moins que Queen Latifah qui la choisit pour jouer dans le film dramatique Brotherly Love. Une proposition artistique qui n'a rien d'anodin : outre-Atlantique, Queen Latifah est une icône aussi impressionnante qu'Oprah Winfrey, à la fois rappeuse, productrice, comédienne, mannequin. De quoi bousculer un début de carrière un peu galère. Car depuis les prémices des années 2010, l'actrice enchaîne les soap operas, d'On ne vit qu'une fois au cultissime Amour, Gloire et Beauté.
Mais tout change en 2017, lorsque la comédienne décroche des rôles plus remarquables, dans la troisième saison de la révolutionnaire série Twin Peaks de David Lynch d'abord (elle y joue le personnage de Jade), dans Black Lightning ensuite. L'année précédente, l'artiste étonnait déjà son monde en prêtant sa voix au service d'une autre oeuvre pop à succès : l'édition 2017 de NBA 2K, best seller du jeu vidéo sportif.
Mais Black Lightning n'offre pas simplement à Nafessa Williams un rôle à sa (dé)mesure. Non, ce show la fait entrer dans l'Histoire. Si des oeuvres super-héroïques à succès comme Black Panther débordent de personnages féminins forts, la série télévisée de CW dénote quelque peu du reste. Et pour cause, puisque la série érige Thunder en première femme noire super-héros ouvertement homosexuelle au sein de l'univers comic-book cathodique. Bref, c'est une vraie "révolution", comme le chantait si bien Nina Simone.
Thunder n'est pas juste invulnérable face aux balles : elle est aussi une rareté au sein d'un paysage pop qui se doit toujours d'être plus inclusif. Enfant, l'actrice avait du mal à s'identifier aux wonder women des BD et séries télé populaires. "Je ne pouvais m'identifier à aucune super héroïne car aucune ne me ressemblait. Leurs cheveux, leurs robes, leur peau ne me ressemblaient pas", confesse-t-elle au magazine en ligne Hello Giggles. C'est dire si Thunder fait office d'actualisation bienvenue, propice à réjouir le public noir et LGBTQ.
Pour la jeune actrice, le personnage n'est d'ailleurs pas simplement "authentique", il est "important". Par-delà son costume qui en jette et ses pouvoirs qui dézinguent tout sur son passage, ce sont avant tout ses qualités humaines ("son attitude, son caractère intrépide", narre-t-elle) qui fédèrent, et plaisent autant aux adultes qu'aux nombreuses gamines qui se déguisent à son effigie lors des festivals et des conventions.
"J'ai vraiment envie de prêter ma voix aux femmes, en particulier aux femmes qui me ressemblent, qui ne se sont jamais vues, et qui n'ont jamais vu de lesbiennes à la télévision dans une relation saine. Nous normalisons vraiment l'idée qu'elle est lesbienne, c'est bien, c'est juste qui elle est."
Après trois saisons saluées par le public, l'actrice espère "que les parents accepteront tout autant le coming out de leurs filles". Que cette 'queerness' aura des impacts positifs à l'autre bout de l'écran. Un retour à la réalité qui importe beaucoup pour l'américaine. En dehors des plateaux de tournage, la trentenaire milite et se mobilise pour le mouvement #BlackLivesMatter.
Comme des milliers d'autres femmes noires, elle était donc dans les rues de Los Angeles pour dénoncer les violences policières et raciales suite aux morts tragiques de George Floyd et Breonna Taylor. "Les manifestations m'ont encore plus ouvert les yeux. Nous avons beaucoup de travail devant nous. Ces mobilisations m'ont donné envie de célébrer davantage mon peuple et de faire ma part pour m'assurer que l'industrie soit aussi inclusive que possible", assure-t-elle au magazine.
Entre deux manifs, la comédienne en appelle ainsi à une usine à rêves plus égalitaire, au sein de laquelle davantage de scénaristes noirs seraient engagés par exemple. Son souhait ? "Que l'on soit vu·e· s, entendu·e·s et traité·e·s de manière égale", conclut-elle avec la ferveur super-héroïque de son alias fictionnel. De la justicière télévisuelle à la justice sociale, il n'y a qu'un pas.
Et son engagement est largement applaudi aujourd'hui. Pour les médias, Nafessa Williams est "une force de la nature", une jeune femme "qui réécrit l'histoire télévisuelle". La revue féministe The Mary Sue salue quant à elle l'un de ses plus beaux combats : inciter les jeunes femmes queer "à marcher avec audace". Classe.