Home
Suicide des enfants : « On peut les prévenir dès la naissance »
Publié le 30 septembre 2011 à 09:42
Par Marie-Laure Makouke
C'est un rapport alarmant que vient de remettre le psychiatre Boris Cyrulnik à la secrétaire d'État à la Jeunesse, Jeannette Bougrab. En effet, selon celui-ci, près de 40 enfants de 5 à 14 ans se seraient suicidés en 2009. Un phénomène largement sous-estimé au sujet duquel Myriam Szejer, pédopsychiatre et fondatrice de l'association « La Cause des bébés » nous a apporté son éclairage. Entretien.
Suicide des enfants : « On peut les prévenir dès la naissance » Suicide des enfants : « On peut les prévenir dès la naissance »© Brand X Pictures
La suite après la publicité
Terrafemina : Les enfants sont souvent qualifiés d’insouciants pourtant, selon l’Inserm, ils sont 37, âgés de 5 à 14 ans, à s’être donné la mort en 2009. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Myriam Szejer : Bien qu’ils soient insouciants, certaines choses touchent profondément les enfants sans que les adultes en aient conscience. D’ailleurs, ils peuvent parfois ressentir une souffrance intérieure sans en connaître la cause profonde.
Ainsi, le suicide d’un jeune peut résulter d’une simple broutille. Une parole malheureuse, d’autant plus si elle est prononcée par une personne proche ou à laquelle il est attaché, peut suffire. Certes, c’est une réaction disproportionnée mais les enfants ne disposent pas des mêmes outils que leurs aînés pour se défendre et se faire entendre. Quant aux adultes, ils ne savent souvent pas appréhender le retentissement d’un événement parfois mineur dans l’esprit d’un adolescent.

TF. : Les enfants suicidaires sont-ils en souffrance au même titre que les adultes ?

M. S. : Pour les actes conscients, le tableau clinique de l’enfant suicidaire est en effet équivalent à celui de l’adulte. Comme ses aînés, l’enfant qui attente à sa vie considère que la mort est la seule issue pour mettre un terme à une situation invivable. Mais un suicide « réussi » peut être consécutif à un premier appel à l’aide qui n’aura pas été entendu. Car si, chez les adultes, une tentative de suicide ouvre immédiatement la porte à une surveillance rapprochée, une prise en charge psychologique, etc., les plus jeunes ne bénéficient pas de la même attention. En effet, la prise en compte de la souffrance de l’enfant n’est pas encore entrée dans les mœurs. On considère que la jeunesse permet, à elle seule, de se rétablir naturellement.
En ce qui concerne les actes manqués évoqués par Boris Cyrulnik (un enfant qui se penche un peu trop par la fenêtre ou qui traverse la rue dangereusement, ndlr.), la prise de risque n’est pas totalement consciente. L’enfant se met en danger sans vouloir forcément et réellement en finir avec la vie. Toutefois, les parents dont l’enfant se renferme soudainement sur lui-même, ne communique plus, ne joue plus ou est victime, du jour au lendemain, d’importants troubles du sommeil, doivent rester très attentifs.

TF. : Les enfants ont-ils conscience du caractère irréversible de la mort ?

M. S. : Jusqu’à 5 ou 6 ans, ils n’en ont pas conscience. D’ailleurs, les jeux vidéo, dans lesquels on peut mourir puis ressusciter dans la minute, entretiennent cette croyance de plus en plus tard. C’est l’une des raisons pour lesquelles, si l’on est amené à assister à un enterrement avec un enfant, il faut lui expliquer que la personne décédée ne reviendra pas. S’il s’agit d’un proche, il est important qu’il comprenne qu’il ne le reverra ni la semaine suivante, ni jamais.

T.F. : Dans son rapport, Boris Cyrulnik parle d’une politique de prévention autour de la naissance. Comment peut-on prévenir ces drames si tôt ?

M. S. : Nous avons expliqué cette idée dans l’ouvrage « Si les bébés pouvaient parler » (Bayard) auquel Boris Cyrulnik a participé. Les travaux réalisés pour les besoins de cet essai ont permis de mettre le doigt sur les enjeux de la périnatalité : chaque événement, majeur ou non, ayant lieu pendant la grossesse a des conséquences et peut entraîner une vulnérabilité dans la vie future de la mère mais aussi de son enfant.
Ainsi, la première étape pour comprendre la souffrance d’un adolescent consiste à rechercher une éventuelle interruption du premier lien maternel, pendant ou après la grossesse. En effet, on observe souvent, chez les enfants adoptés, une souffrance psychologique causée par une carence affective. On peut constater le même trouble chez un enfant vivant avec ses parents biologiques si des complications remettant en cause ses chances de vivre sont apparues pendant la grossesse. Face à ce type d’annonce, il n’est pas rare que les femmes enceintes réalisent un abandon psychique de leur fœtus, persuadées que celui-ci n’est pas viable. Bien sûr, dès le jour de l’accouchement, ces craintes sont oubliées mais elles laissent des cicatrices : un traumatisme prénatal qui s’exprimera tôt ou tard et de façon complètement imprévue.

Crédit photo : Brand X Pictures

VOIR AUSSI

Voyage au cœur de la naissance avec Myriam Szejer
Suicide chez les enfants : Jeannette Bougrab lance une mission
Journées Nationales de Prévention du Suicide du 5 au 10 février
La femme du mois : Jeannette Bougrab
Michèle Halberstadt, « La petite » ou le suicide à l'âge tendre

Mots clés
Home psycho enfants parentalité
Sur le même thème
Festival OFF d'Avignon 2024 : notre sélection de spectacles pour enfants à voir en famille play_circle
Culture
Festival OFF d'Avignon 2024 : notre sélection de spectacles pour enfants à voir en famille
26 juin 2024
"Les enseignants ne connaissent pas la langue des signes" : sur plus d'un million d'enfants Pakistanais sourds, moins de 5% vont à l'école
education
"Les enseignants ne connaissent pas la langue des signes" : sur plus d'un million d'enfants Pakistanais sourds, moins de 5% vont à l'école
14 juin 2024
Les articles similaires
Cette SIMPLE phrase va changer votre relation avec votre enfant play_circle
Angelina Jolie et Brad Pitt : leur fils de 16 ans est leur portrait craché play_circle
people
Angelina Jolie et Brad Pitt : leur fils de 16 ans est leur portrait craché
18 novembre 2024
"Ne pas devenir mère n'est pas un échec !" : Natoo se confie sans filtre sur le désir de maternité play_circle
Société
"Ne pas devenir mère n'est pas un échec !" : Natoo se confie sans filtre sur le désir de maternité
27 mai 2024
Dernières actualités
"T'es détestable", ces séquences de la Star Academy nous prouvent que l'émission a bien changé play_circle
Culture
"T'es détestable", ces séquences de la Star Academy nous prouvent que l'émission a bien changé
21 novembre 2024
"Pourquoi je serais allé violer une dame de 70 ans ?" : au dernier acte du procès de Mazan, les accusés scandalisent play_circle
scandale
"Pourquoi je serais allé violer une dame de 70 ans ?" : au dernier acte du procès de Mazan, les accusés scandalisent
21 novembre 2024
Dernières news