Société
Suppression du Pass Contraception : le Planning familial monte au créneau
Publié le 28 avril 2016 à 16:59
Par Hélène Musca | Rédacteur
Le Pass Contraception, un dispositif d'accès gratuit à la prévention et à la contraception pour les lycéens, vient d'être supprimé par Valérie Pécresse, présidente du Conseil régional d'Ile-de-France. Que faut-il comprendre de la disparition de ce dispositif, certes peu utilisé mais qui devait pallier aux inégalités territoriales dans l'accès à la contraception ?
Le Pass contraception: que signifie sa disparition? Le Pass contraception: que signifie sa disparition?© Facebook
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Le Pass Contraception est un système d'accès à la prévention en matière de santé sexuelle, à la contraception et au dépistage de maladies sexuellement transmissibles (IST) dédié aux lycéens (accessible aux jeunes jusque 20 ans). C'est en fait un chéquier composé de 7 coupons correspondant chacun à une prestation délivrée par un professionnel de la santé : il comprend 2 coupons pour des consultations médicales, un coupon pour des analyses médicales pour la contraception et/ou le dépistage d'IST, et quatre coupons pour la délivrance des contraceptifs choisis par le patient (hors préservatifs) pendant un an. Chaque "chèque" fait en fait office de moyen de paiement : il y a juste besoin de le remettre au praticien. Pas besoin donc, d'avancer d'argent ou de présenter une carte vitale : c'est totalement anonyme, gratuit, et sans aucun risque de retour aux parents. Il a été mis en place par Ségolène Royal en 2010 dans sa région, en Poitou-Charentes, et adopté dans la foulée par la plupart des régions, y compris l'Ile-de-France qui le propose à partir de 2011.

Mais la présidente du Conseil régional d'Ile-de-France, Valérie Pécresse, y a mis fin le 7 avril 2016 dans la région Ile-de-France, attirant sur elle les foudres de la gauche –l'initiatrice du pass- et des plannings familiaux. Entre les crêpages de chignon de la droite et de la gauche pour savoir sur qui faire tomber la faute, et un pass qu'on connaissait peu et dont on peine à estimer l'utilité, suivre polémique qui gonfle autour de cette suppression n'est pas chose aisée : qu'implique-t-elle vraiment ?

Le succès mitigé du Pass Contraception
© Youtube

Valérie Pécresse, qui est venue défendre sa décision de supprimer le pass sur France Inter le lundi 25 avril, explique qu'elle n'a fait qu'entériner une évidence : le dispositif était inefficace et avait déjà été abandonné en pratique, selon elle. Il est vrai que le Pass Contraception n'avait pas rencontré un franc succès : dans son rapport en 2015, l'Inspection des affaires sociales (IGAS) parlait d'un "taux de recours des mineurs excessivement faible". D'après Pécresse, depuis sa création, seuls 2 000 Passes ont été distribués pour toute l'Ile-de-France. Le Monde ajoute même que la proportion de pass distribués par rapport à la population concernée est inférieure à 4% dans les régions concernées (et va même s'écraser à 0,1% en Rhône-Alpes). En 2014 comme en 2015, aucun pass n'est délivré en Ile-de-France, rappelle le journaliste Adrien Sénécat dans son article. Une version confirmée par la présidente du Conseil portant les couleurs des Républicains (LR) sur France Inter : "Il n'y a plus eu un Pass contraception distribué à une lycéenne d'Ile-de-France depuis janvier 2014. Deux ans. Donc toutes les féministes de salon qui s'offusquent aujourd'hui de la situation auraient peut-être dû aller voir comment ça se passe dans les lycées franciliens et aller regarder ce qu'il se passe pour les adolescentes".

Valérie Pécresse, auteur de la suppression officielle du Pass contraception, travaille actuellement sur un dispositif de remplacement © BestImage

Selon l'IGAS, ce manque d'efficacité du Pass Contraception était dû à son fonctionnement obscur : les lycéens ne le connaissaient que très peu, et donc ne savaient pas comment l'obtenir, ni où. De plus, les médecins adhéraient peu au système, à cause des modalités de paiement. Marie-Hélène Bourven, infirmière conseillère technique auprès du recteur de l'académie de Versailles parle de pass "inutiles" car "tout le monde savait que beaucoup de médecins ne le prenaient pas. C'est un circuit de remboursement inhabituel pour les professionnels de santé libéraux et donc compliqué pour eux". Le manque d'informations sur ce dispositif et le désamour des professionnels de la santé à son égard ont en vérité enterré le Pass Contraception bien avant que Valérie Pécresse n'en prononce l'arrêt de mort. Alors pourquoi une telle polémique sur un pass qui de facto n'existe plus depuis deux ans ?

Un prétexte d'une guéguerre politique...

Le Pass Contraception est en fait devenu le terrain d'affrontement de la gauche, qui a tenu le Conseil régional d'Ile-de-France avec à sa tête Jean-Paul Huchon de 1998 à 2015, et de la droite qui le préside actuellement. L'entourage de Valérie Pécresse dénonce dans Le Monde une manipulation de la gauche pour lui nuire : "Croire qu'on supprime quelque chose qui bénéficie aux lycéens, c'est la grosse manip de la gauche". L'ex-ministre du Budget a insisté sur le fait que le Pass avait en fait été abandonné "en catimini" par la gauche il y a déjà deux ans, a-t-elle insinué sur France Inter, et qu'elle ne faisait qu'officialiser cet abandon afin de mettre en place un système plus efficace.

Mais de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer la volonté de Pécresse de plaire aux élus de droite tendance "Manif pour tous" qui siègent au Conseil, comme Franck Margain. Rejoints par Najat Vallaud-Belkacem qui cite Beauvoir sur Twitter pour dénoncer la régression que constitue la suppression du Pass, des mouvements féministes tels que Osez le féminisme ! se sont insurgés contre la tendance du Conseil régional à rogner sur leurs droits en menant une politique conservatrice. La disparition du Pass Contraception intervient en effet dans un contexte tendu, alors que le Planning familial, qui fête ses 60 ans, s'est déjà soulevé le 6 avril contre la baisse de 30 % des subventions de la région au centre Hubertine-Auclert, un organisme, qui lutte contre les inégalités et les discriminations fondées sur le sexe ou le genre.

.. qui fait oublier le véritable problème : garantir un accès à la contraception à tous
Un coupon de pass contraception © Le Parisien

Mais les prises de bec entre la droite et la gauche pour savoir qui doit porter la responsabilité du Pass occulte parfois le véritable problème soulevé par sa disparition. Le Planning familial a publié le mardi 19 avril un communiqué de presse plaidant pour l'amélioration du Pass Contraception plutôt que sa suppression, afin de lui donner plus de visibilité et de le rendre plus simple d'utilisation. Il a aussi lancé un hashtag, #0PASSContraceptionCaNePassePas afin de relayer le mouvement de soutien à la conservation du dispositif.

Selon le communiqué, "créés pour garantir l'égalité pour toutes et tous, dans l'accès à l'information et à tous les moyens de contraception, les PASS contraception devaient en particulier permettre de lutter contre les inégalités territoriales et apporter des réponses aux jeunes éloignés des lieux de consultation dédiés ou en difficulté pour accéder à l'information". Car c'est bien là toute l'importance du Pass Contraception : permettre aux jeunes vivant dans des zones rurales isolées où l'accès à un centre de planification demeure compliqué, si ce n'est impossible, d'avoir accès gratuitement, simplement et anonymement à la prévention et à la contraception. Comme Veronica Noseda, coordinatrice nationale du Planning familial, le rappelle au Monde, "l'enjeu, c'est d'améliorer la couverture en touchant des personnes qui n'y avaient pas accès auparavant". Et c'est cet objectif qu'il faut garder en tête et pour lequel il faut se battre, afin que cette nécessité soit respectée par le projet de remplacement de Valérie Pécresse, pour lequel il faudra attendre le mois qu'elle a réclamé avant d'avoir des indices.

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