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Tour de France 2015 : les confidences de la psy des AG2R La Mondiale
Publié le 24 juillet 2015 à 10:58
Par Xavier Colas
Lâché dans les Pyrénées, triomphant dans les Alpes. Romain Bardet est le symbole de la renaissance de l'équipe AG2R La Mondiale sur le Tour de France. Une formation qui a signé les seules victoires françaises sur cette grande boucle, malgré la méforme du leader Jean-Christophe Peraud et des chutes à répétition. Et quand les jambes peinent à tourner reste le mental. Virginie Dalla Costa, psychologue au sein de l'équipe revient pour Terrafemina sur son rôle auprès du staff et des coureurs.
Romain Bardet triomphe à Pra-Loup. Romain Bardet triomphe à Pra-Loup.© Sipa
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"On a encore de belles choses à réaliser" annonçait, mercredi 22 juillet, Vincent Lavenu, manager de l'équipe AG2R La Mondiale. Le lendemain, Romain Bardet triomphait à Saint-Jean-de Maurienne, offrant la deuxième victoire à l'équipe française sur ce Tour 2015, après celle d'Alexis Vuillermoz à Mûr-de-Bretagne. Et pourtant, la grande boucle d'AG2R La Mondiale a longtemps ressemblé à un chemin de croix. Peraud en perdition, chutes... Loin des débats sur les watts développés, les cadences de pédalage et autres VO2 max, Virginie Dalla Costa travaille au quotidien auprès des coureurs et veille au mental de ces derniers. Psychologue d'AG2R La Mondiale depuis maintenant six ans, elle explique son travail au sein du staff.

Terrafemina : Quelles sont les spécificités du travail de psychologue dans le sport et plus particulièrement dans le cyclisme ?

Virginie Dalla Costa : "Le cyclisme est un sport individuel qui se pratique de manière collective. Un leader, aussi doué soit-il, ne peut pas gérer seul 200 km de course et gagner sans ses équipiers. Mais le travail au sein d'une équipe cycliste ne se cantonne pas aux coureurs. Il s'agit d'une véritable structure dans laquelle il faut tenir compte des relations entre les différents corps de métier : mécaniciens, directeurs sportif, coureurs, assistants, etc. Celles-ci peuvent jouer sur le bien-être du cycliste et forcément, indirectement, sur sa performance. Je vois les coureurs, lors de stage, par visioconférence ou téléphone lorsque je ne suis pas sur les courses. Nous partons de leur connaissance d'eux-même, de la course et de leur expérience pour les amener à toujours avancer et à réfléchir aux choses à mettre en place pour être encore plus performant. Qu'ils soient premiers ou derniers, mes questions resteront identiques : je demanderai toujours quelles qualités ont été mises en avant et ce qui est améliorable. En revanche, je refuse de faire exclusivement de la préparation mentale. Je pars du principe qu'un sportif est avant un être humain, avec un talent : le cyclisme, dont la force physique est largement au-dessus de la moyenne, mais qui reste aussi un homme, un père ou un mari."

TF : Comment se prépare le Tour ?

VDC : Dire 'mon objectif, c'est le Tour', pour moi ça ne veut rien dire. Est-ce y participer, le finir, gager une étape ou jouer une place au général ? C'est très différent. Une fois l'objectif identifié, mon travail est de faire réfléchir sel coureur sur le "comment". Après reste les aléas contre lesquels on ne peut rien, les maladies, les chutes... le Tour nous le rappelle cette année. La préparation mentale se fait donc tout au long de l'année, pas spécifiquement pour lamons de juillet. C'est certes un rendez-vous important pour l'équipe mais les coureurs s'alignent toute la saison sur des courses. Cette année, nous avons davantage axé la préparation sur le contre-la-montre par équipes, un point faible de l'équipe. Je les ai amenés à communiquer beaucoup plus entre eux à s'exprimer en toute liberté, tant sur ce qui va que ce qui est à améliorer. Ça participe à une bonne dynamique de groupe. Ce travail a été très positif à mes yeux (l'équipe AG2R La Mondiale a terminé 10e et première équipe française du clm par équipes Vannes - Plumenec sur le Tour 2015, ndlr).

TF : Les chutes, les défaillances sont spécifiques au cyclisme travaillez-vous là-dessus en particulier ?

VDC : Les coureurs savent que les chutes font partie du métier. Ils l'ont intégré. La plupart du temps d'ailleurs, pris dans l'engrenage de la course, ils se relèvent et repartent. L'appréhension de ces aléas varie en fonction des coureurs. S'ils ont eu peur, parce que la chute a été très grave et qu'ils s'en sortent avec de lourdes blessures, nous pouvons en discuter. Mais généralement, les coéquipiers ont déjà un rôle très important. Il peut y avoir des rivalités, c'est normal entre compétiteurs, mais ils s'épaulent, s'écoutent et s'entraident, moi, je suis généralement le dernier recours. Certains n'ont pas besoin d'être reboosté après une défaillance. Ce n'est pas parce qu'un coureur a pris un coup au moral lors d'une étape qu'il ne va pas repartir le lendemain, des tourments ils en auront d'autres, il n'y a pas que le vélo, même si c'est leur profession et mon rôle n'est pas de faire de l'assistanat. J'interviens généralement à la demande du médecin ou si je constate un comportement ou une attitude qui m'interpelle.

TF : Pensez-vous qu'une course puisse réellement se gagner ou se perdre au mental ?

VDC : Oui. Un coureur peut tout à fait être devant, avoir de bonnes jambes et douter de ses capacités à réussir alors qu'il en est capable. Certains coureurs se basent essentiellement sur des capacités physiques hors-norme. Ils dominent et ne se posent jamais de question. Le jour où ils rencontrent un travers dans leur carrière, sur une étape, ils ont beaucoup plus de mal à se relever que d'autres, moins forts sur le papier, mais capables de se transcender et d'aller très loin dans l'effort. Chez eux, il y a généralement une différence énorme entre les tests d'efforts et leur valeur sur une course durant laquelle ils sont en mesure d'aller vraiment puiser au fond d'eux-même.

Propos recueillis par Xavier Colas

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