Les mots ont leur importance. Et Daniel Hunt est bien décidé à ne rien laisser passer. Cet élu démocrate de la ville de Boston, dans l'Etat du Massachussets, a soumis une proposition à ajouter à la section de la loi de l'État sur les délits de troubles à l'ordre public : elle s'intitule "An Act regarding the use of offensive words" ("Une proposition contre l'usage des mots offensants") et s'attaque à l'emploi du mot "bitch" (salope).
"Une personne qui utilise le mot 'salope' pour accoster, importuner, insulter ou humilier une autre personne sera considérée comme fauteuse de trouble à l'ordre public. La violation de cette sous-section pourra être rapportée par la personne insultée ou par un témoin de l'incident", énumère la proposition. L'usage de cette insulte serait puni par une amende de 150 dollars (environ 135 euros), puis par 200 dollars (180 euros) d'amende ou 6 mois de prison pour des insultes supplémentaires.
Daniel Hunt aurait fait cette proposition à la suite d'une requête d'une résidente. "A chaque fois qu'une électrice ou un électeur me contacte à propos de quelque chose qui la ou le préoccupe, je donne suite", explique l'élu au Boston Herald. "Ici, quelqu'un m'a demandé de faire cette proposition parce qu'elle lui semblait importante et j'ai pensé que c'était un bon exercice de voir où cette proposition allait aller."
Un projet de loi, examiné cette semaine, qui est loin de faire l'unanimité, puisqu'il vise directement le sacro-saint Premier amendement de la Constitution américaine qui protège la liberté d'expression. Ainsi, Harvey Silverglate, avocat des droits civiques à Cambridge, tance auprès du Boston Herald : "Il y a une certaine catégorie de lois qui sont fondamentalement anticonstitutionnelles. Cette proposition en fait partie. C'est juste une énième tentative de contrôler ce que les autres disent et de contrôler indirectement ce qu'ils pensent."
Pour Silvergate, cette proposition n'a aucune chance de passer. Mais pour l'élu démcrocrate, si cette proposition viole le Premier amendement, les débats qu'elle provoque se révèlent important.
Selon le professeur de droit Michael Meltsner, "le Premier amendement ne permet pas de restriction du langage", rappelant au Boston Magazine que la lutte contre le harcèlement devrait s'attaquer aux comportements, pas aux mots.
En 2017 déjà, le Conseil de la ville de New York avait essayé d'interdire le mot "bitch" et "ho" (pute), mais cette proposition avait créé un tollé auprès des habitant·e·s, comme le rappelle le Boston Magazine.
En France, la secrétaire d'Etat à l'égalité fermmes-homes Marlène Schiappa a mis en place en 2018 une loi pénalisant les "outrages sexistes". L'outrage sexiste consiste à "imposer à une personne un propos ou un comportement à connotation sexuelle ou sexiste, qui porte atteinte à sa dignité ou l'expose à une situation pénible". Une infraction qui peut être punie par une amende pouvant aller jusqu'à 750 euros.