Alors qu'on estime que 2 millions de femmes se font agresser en Inde chaque année , le gouvernement vient de décider de l'installation d'une touche SOS sur tous les téléphones à compter de 2017 afin qu'elles puissent appeler à l'aide plus facilement. La lutte contre les agressions des femmes en Inde se poursuit, et elle passe par la technologie.
La technologie est de plus en plus développée par les gouvernements comme moyen de garantir la sécurité de ses citoyens, et en particulier, des femmes. En Australie, les femmes victimes de violences conjugales avaient déjà bénéficié de téléphones sécurisés pour échapper au harcèlement de leurs conjoints abusifs. Aujourd'hui, c'est aux Indiennes de recevoir de l'aide à travers leurs portables.
"La technologie est uniquement destinée à améliorer la vie et quelle meilleure utilisation que de s'en servir pour la sécurité des femmes", avait déclaré le ministre des Télécommunications Ravi Shankar Prasad le 25 avril 2016. A partir de 2017, tous les téléphones commercialisés en Inde comporteront une touche SOS reliée à un GPS mobile intégré à l'appareil, selon le site d'Europe 1. Le but est de permettre aux femmes d'alerter plus simplement et plus rapidement les autorités en cas de problème. En effet, en cas d'agression, il est très peu probable –pour ne pas dire impossible- que la victime ait le temps ou la possibilité de composer le numéro de la police, d'expliquer sa situation et de donner sa localisation. Appuyer sur cette touche fait tout ça, en un seul geste aussi simple que discret : c'est tout l'intérêt de ce système. Le gouvernement espère que cela dissuadera les violeurs et aidera les victimes à être mieux protégées par les autorités, pour qu'elles puissent retrouver un sentiment de sécurité. Ce qui est loind'être évident, lorsqu'on est une femme en Inde.
Et pour cause. L'Inde n'est malheureusement pas célèbre que pour ses temples et ses naans au fromage : l'atroce banalité des violences sexuelles commises à l'encontre des femmes avait été révélée au reste du monde par la mort d'une étudiante de 23 ans suite à un viol collectif dans un bus et un passage à tabac . Cela avait déclenché des vagues de manifestations en faveur de la défense des droits des femmes à travers tout le pays, dénonçant la manière dont sont traitées les victimes de viols : méprisées par les policiers, stigmatisées par leurs communautés très traditionnelles et incitées à ne rien dire pour ne pas attirer la disgrâce et la honte sur leurs familles, il est rare qu'elles portent plainte et que leurs viols soient punis. Depuis cette vague de colère, le gouvernement tente de lutter contre la violence à l'égard des femmes qui nécrose le pays : la loi sur le viol a été durcie après les évenements de 2012 pour accélerer les procédures et alourdir les peines des violeurs, comme l'expliquait un article du Monde.fr en mars 2013 ; des applications comme "Himmat" ("sécurité" en indien) ont été lancées par la police de New Delhi en 2015 pour assurer la sécurité des femmes dans les transports, et maintenant cette touche SOS.
Les efforts du gouvernement indien pour endiguer le cauchemar des violences sexuelles sont indéniables et très positifs. Cependant, cela demeure insuffisant pour déraciner un phénomène qui est devenu quasiment sociétal. Pour Vaiju Naravane, correspondante en France de The Hindu interrogée par Europe 1 , cela est en partie dû à "un niveau de frustration sexuelle très élevé chez les jeunes Indiens. A part le mariage, ils ont peu d'opportunités de se rencontrer dans cette société figée. C'est vraiment un problème culturel. Il y a une espèce de mépris général envers les femmes qui est lamentable". Le problème est en effet bien plus qu'une difficulté à gérer une criminalité galopante : très justement, Slate titrait même un de ses articles de janvier 2013 , "l'Inde a un problème avec les femmes". En juin 2015, une enquête menée par TrustLaw , un service d'informations de la Fondation Thomson Reuters avait classé l'Inde comme le pire pays pour les femmes, du fait, entre autres, du mariage des mineures, des meurtres pour dot insuffisante et de l'esclavage domestique. En 2011, c'était une enquête sur l'égalité sexuelle menée par l'International Centre for Research on Women qui nous plongeait dans l'effroi : elle révélait qu'un Indien sur quatre avait déjà commis dans sa vie des violences sexuelles et qu'un sur cinq avait déjà forcé sa partenaire à avoir des relations sexuelles avec lui -des proportions bien supérieures aux cinq autres pays présents dans l'enquête.
L'Inde est le pays des avortements sélectifs, le pays où on pousse un fils, mais pas une fille à faire des études, un pays où les femmes sont encore considérées par beaucoup d'hommes comme des objets et où ils peuvent leur lancer de l'acide au visage si elles font un pas de travers ou tentent de leur échapper... Le viol n'est qu'une manifestation de plus de la colère et du mépris accumulés à l'égard des femmes ; ce n'est que le symptôme d'une mentalité générale malade et inégalitaire qui refuse de voir les femmes autrement que comme des biens de consommation. Et même si l'on se réjouit que des mesures se mettent progressivement en place pour protéger les femmes, comme la touche SOS, cela revient à traiter les conséquences d'un problème sans jamais s'attaquer à sa cause.