La vidéo, publiée par Brut le 11 mai, est rapidement devenue virale. On y découvre la docteure sud-africaine Sonnet Ehlers présenter son projet inédit : un préservatif féminin avec des dents. Un dispositif "médiéval pour un acte moyenâgeux", explique-t-elle, qui permettrait aux femmes subissant un viol de se défendre et de se protéger sur le moment.
Ainsi, lorsque l'agresseur pénètre la victime, le bout de latex glissé au préalable à l'intérieur du vagin se resserrerait sur le pénis, et des micro-lames, "aussi tranchantes que celles de rasoirs", viendraient s'y agripper. Devant la douleur, celui-ci n'aurait donc pas d'autre choix que de se retirer, puis de consulter un·e professionnel·le de santé pour être soigné. Il n'en deviendrait par ailleurs que plus identifiable.
Cette idée, la spécialiste la tient du témoignage d'une de ses patientes. "Une femme est arrivée à l'hôpital et elle avait été violée. Et elle m'a dit : 'si seulement j'avais des crocs à cet endroit'", se souvient-elle auprès du média. En Afrique du Sud, lors d'une enquête datant de 2009, un homme sur quatre a affirmé avoir déjà violé, rapporte Brut. Selon une étude dans la province de Gauteng, une femme sur quatre aurait quant à elle été violée, informe le site du projet. Des chiffres qui resteraient toutefois en-dessous de la réalité.
Rape AXe incarnerait donc une menace concrète, et une conséquence physique immédiate.
Seulement, aussi bien intentionnée soit son inventrice, plusieurs questions subsistent. La première : un tel objet de défense n'implique-t-il pas la responsabilité de la femme dans toute agression sexuelle ? Et la deuxième : répondre par la violence ne risquerait-il pas d'en engendrer davantage ?
Sur les réseaux sociaux, les avis divergent, et beaucoup désapprouvent. Les internautes déplorent d'un côté que l'on doive en arriver là pour adresser ce fléau, la justice ou l'éducation ne constituant pas un rempart suffisant. De l'autre, certain·e·s soulignent avec justesse qu'il ne peut s'agir, comme étiqueté, d'un "système anti-viol", puisque le viol doit avoir lieu pour que le système se déclenche.
"Ça n'empêche pas un viol. On reste traumatisé-es", commente en ce sens la créatrice de contenus sur la sexualité Masha Sexplique. Et d'ajouter : "Ça sous-entend que la majorité des viols sont commis par des inconnus dans la rue et non au domicile des victimes souvent sous emprise."
Nombreux·se·s aussi soulèvent la façon dont Rape AXe demande, une fois de plus, aux femmes de porter la charge de leur sécurité. Plutôt que d'élaborer des solutions destinées aux attaquants potentiels ou réels, l'utilisation de l'objet appartient à ses victimes. Le viol est le problème des hommes, qui en sont auteurs en écrasante majorité. Pourtant, c'est encore une fois aux femmes que revient la nécessité de l'éviter, ou de répliquer.
Et a fortiori, la culpabilisation de n'avoir pas réagit. "Dans un monde où les victimes de viol doivent souvent répondre à des questions sur la tenue qu'elles portaient au moment des faits, on finit par leur demander où se trouvaient leur bouton de panique et leurs sous-vêtements électriques", s'indigne la journaliste américaine Jillian Keenan.
Et puis, il y a la violence que le "préservatif" provoque. Blessé, l'agresseur pourrait se retourner contre celle qui tente de s'échapper. A savoir également qu'une victime est souvent sidérée lors d'un tel acte, et ne serait pas forcément en mesure de saisir l'occasion de s'échapper.
Légalement, aussi, cette dernière serait susceptible d'être confrontée à des poursuites. Selon l'article 122-5 du Code pénal, la légitime défense est reconnue seulement si le moyen de défense utilisé pour mettre fin au crime (autre qu'un homicide volontaire) est proportionnel à sa gravité. Reste que le dernier mot revient aux magistrat·e·s en charge de juger l'affaire.
Dre Sonnet Ehlers assure toutefois que plus que la punition corporelle après l'acte, c'est l'aspect dissuasif en amont qui rend son concept intéressant. Elle raconte ainsi comment, après être allée le présenter aux hommes dans certains quartiers comme le sort qui leur serait réservé s'ils violaient, les crimes ont soudainement chuté pendant une période. Face aux critiques, la professionnelle de santé rétorque également que le dispositif répond à un manque de solutions concrètes. Sous-entendu, du pouvoir en place.
"Ça fait partie de la culture de ce pays, que les hommes peuvent violer les femmes, et qu'ils doivent en être satisfaits", dénonce en outre Dre Sonnet Ehlers. Une réalité terrible qui amène, encore et toujours, à se poser la même question : comment faire pour que les hommes cessent de violer ?