"Comment fait-on pour que les hommes cessent de violer ?". Il aura suffi à l'internaute féministe Mélusine de poser cette simple question sur Twitter ce 22 janvier, en réaction aux abondants commentaires suscités par le hashtag #MeTooGay, pour voir son compte restreint et ses tweets "incriminés" supprimés par la plateforme, pour irrespect du règlement interne au réseau. Et rebelote le lendemain, remarque l'instigatrice du mouvement Nous Toutes Caroline De Haas, lorsque la militante a remis sur le sujet sur la table quelques heures après le rétablissement de son compte. Le message ne passe décidément pas.
"Twitter m'a forcée à supprimer le tweet et m'a sanctionnée pour l'avoir écrit, en me privant d'accès à mon compte pendant douze heures. Pourtant, ce tweet ne contient ni propos insultants ou outranciers, ni appels à la violence", déplore Mélusine sur son compte. Pour l'élue écologiste au Conseil de Paris et activiste Alice Coffin, autrice de l'essai Le génie lesbien, on ne peut voir en ces censures et suspensions diverses qu'une seule chose : une "mesure anti-féministe" de la part de Twitter France.
"Les violences sexistes et sexuelles sont commises en immense majorité par des hommes. C'est une réalité. On pose donc (encore) la question : Comment fait-on pour que les hommes cessent de violer ?", s'interroge en retour Caroline De Haas. Et elle n'est pas seule à "poser la question", non. La mobilisation est massive.
En réaction à ces suppressions de commentaires qui auraient enfreint "les règles d'utilisateur", nombreuses sont les militantes à tirer la sonnette d'alarme. "Depuis vingt-quatre heures, des comptes féministes sont suspendus par Twitter France pour avoir posé cette question nécessaire et urgente : Comment fait-on pour que les hommes cessent de violer ?", fustige ainsi la philosophe féministe Camille Froidevaux-Metterie. L'autrice du Corps des femmes persiste et signe : "Cette question, on se la posera tant qu'on n'aura pas la réponse !".
Sur Twitter, la parole se passe afin de la libérer, et, surtout, de ne pas la voir s'évaporer sous prétexte de transgression présumée d'un règlement qui n'est pourtant aucunement enfreint. Des comptes influents aux publications abondamment likées et relayées font vivre le mouvement depuis plus de vingt-quatre heures. Par exemple ? L'essayiste et journaliste Mona Chollet, l'autrice et dessinatrice Pénélope Bagieu, la journaliste Victoire Tuaillon , créatrice de l'essentiel podcast Les couilles sur la table. Ou encore l'économiste et activiste Rebecca Amsellem, instigatrice de la newsletter Les Glorieuses, qui exprime "tout [son] soutien aux activistes féministes qui veulent mettre un terme aux violences faites aux femmes".
Mais les soutiens sont également masculins. Ainsi le sociologue Eric Fassin, voix majeure pour qui s'intéresse aux masculinités, se demande : "Comment fait-on pour que les hommes cessent de violer?"... En tout cas, Twitter France, certainement pas en suspendant les comptes qui posent cette question !". De son côté, le médecin et romancier féministe Martin Winckler s'interroge : "Hey @TwitterFrance, pourquoi est-ce que vous bloquez des comptes de femmes mais pas le mien quand je twitte "Que faut-il faire pour que les hommes ne violent plus ?"
"Ah parce que maintenant les comptes féministes se font suspendre juste pour avoir posé la légitime question "comment fait-on pour que les hommes cessent de violer"? Alors qu'on attend toujours pour la modération des trolls haineux qui harcèlent ?", fustige encore la journaliste et militante féministe anti-grossophobie Olga Volfson l'espace d'un tweet d'humeur. Une incompréhension qu'on ne peut que partager.
Et qui n'a pas fini de faire réagir. Car comme nous l'apprend Alice Coffin, le relais du hashtag #CommentFaitOn... aurait également provoqué la suspension temporaire du compte de l'avocate et autrice Elisa Rojas. Par-delà toutes ces mobilisations numériques, ce sont désormais les réponses de Twitter France qui se font attendre.