Il y a trois ans, en 2017, de nombreuses femmes témoignaient des violences sexuelles qu'elles avaient subies par le passé. Une libération de la parole encouragée entre autres par l'affaire Harvey Weinstein. De cet élan est né #MeToo, un mouvement sans précédent qui allait changer la face du monde, et permettre à de nombreuses personnes d'obtenir justice.
Début 2021, l'autrice Camille Kouchner sortait La Familia Grande, un roman qui dénonçait l'inceste perpétré par le politologue Olivier Duhamel sur le frère jumeau de l'écrivaine, qu'elle appellera "Victor" pour préserver son identité. Partout en France, d'autres victimes de ces crimes intrafamiliaux racontaient leurs maux et pointaient du doigt leurs bourreaux, qu'ils·elles ne supportaient plus de protéger, sous le hashtag douloureux et essentiel #MeTooInceste.
Aujourd'hui, c'est au tour des hommes gays de se regrouper sous un mot-dièse terrible et libérateur : #MeTooGay. Sur Twitter, des milliers de récits accablants y sont livrés. Une vague de témoignages notamment déclenchée par celui d'un jeune homme qui accuse le conseiller de Paris Maxime Cochard et son conjoint, tous deux militants du PCF, de viol et agression sexuelle. Des accusations démenties par les deux supposés agresseurs.
"J'avais entre 21 et 23 ans, on était en couple et selon lui 'ce n'est pas normal de ne pas faire l'amour tout les soirs'", confie un internaute . "A force de chantage et de menaces, il avait ce qu'il voulait presque à chaque fois". "Difficile de raconter mais c'est, je crois, nécessaire", entame un autre.
"Alors voilà : la capote a craqué, je lui ai demandé d'arrêter et il n'a pas voulu, j'ai réussi à m'échapper de son appart, sous ses insultes. J'ai couru aux urgences pour un traitement post exposition." "C'était toujours le matin, je ne réagissais pas aux avances dans le lit en espérant qu'il arrête d'insister, je me retournais pour signifier le non, je cédais en faisait le mort pour éviter les disputes, c'était mon petit ami", lâche encore un autre jeune homme.
Des faits de viols conjugaux, de "stealthing" (le fait de retirer son préservatif sans que son·sa partenaire ne soit consentant·e), mais aussi de pédophilie, et d'inceste qui abondent sur les réseaux sociaux, confrontant ses lecteur·rice·s à une réalité trop longtemps tue.
A ce titre, le journaliste Matthieu Foucher rapportait dans Vice l'étude Virage sur les violences de genre et intrafamiliales, publiée en avril 2020 par le Défenseur des droits. "6 % et 5,4 % des hommes homosexuels et bisexuels répondaient avoir été agressés ou violés au moins une fois au cours de leur vie par un membre ou proche de leur famille (hors couple), contre 0,5 % des hommes hétérosexuels et 2, 5% des femmes hétérosexuelles". Des chiffres effrayants, qui accompagnent une enquête édifiante.
De son côté, le sociologue Sébastien Chauvin décortique auprès du HuffPost pourquoi il aura fallu attendre trois ans pour que le mouvement prenne une telle ampleur, et que les hommes gays disent stop publiquement et massivement. Outre la résonance d'affaires comme celles qui met en cause le conseiller communiste Maxime Cochard, et l'influence digitale de certains internautes qui ont partagé leurs blessures, il y a le cadre de #MeToo à prendre en compte, estime-t-il.
"MeToo a problématisé la question du consentement comme celle d'une injonction à un homme envers une femme, ce qui a pu expliquer à ce moment que la question des violences sexuelles entre hommes ne se soit pas posée. L'idée d'un désir masculin irrépressible, contribuant à légitimer la culture du viol chez les hétéros, a contribué à compliquer la pensée du non-consentement chez les gays", affirme-t-il au média. Et de poursuivre : Aalors que les femmes se sont exprimées en tant que victimes collectives, ici, au sein d'un même groupe, on retrouve des victimes et des agresseurs, ce qui complexifie la prise de parole".
Aujourd'hui pourtant, le silence est définitivement rompu. Et c'est tant mieux.
Parmi les tweets, au-delà des témoignages de victimes, se trouvent aussi d'innombrables mots de soutien. Ceux d'internautes militant·e·s, qui mettent à disposition des ressources pour venir en aide aux premiers concernés, notamment. Ou encore signés de l'association SOS Homophobie : "Dans la lignée de #MeToo et #MeTooInceste, le mouvement #MeTooGay marque une nécessaire libération de la parole de victimes de violences sexuelles. Ces personnes doivent être entendues et protégées. On vous croit et on vous soutient."
Mais les manifestation de soutien émanent aussi de la sphère politique. La maire de Paris Anne Hidalgo, par exemple, a "salué le courage des victimes qui brisent le silence. La libération de la parole doit faire avancer la lutte contre les violences sexuelles. Soutien à celles & ceux qui ne peuvent encore mettre de mots sur leur histoire. Je suis à vos côtés". Même son de cloche chez la ministre de l'Egalité entre les femmes et les hommes, en charge de la lutte contre les discriminations, Elisabeth Moreno, qui a tweeté : "Les violences sexistes et sexuelles sont un fléau que nous devons combattre collectivement. Les victimes doivent être crues, écoutées et accompagnées."
Crues, écoutées et accompagnées, sans aucun doute. Seulement reste à voir quelles actions concrètes le gouvernement mettra en oeuvre pour véritablement adresser ce fléau, et soutenir lesdites victimes par-delà les déclarations.