Françoise Brié : Je n’ai pas connaissance de toutes les situations de ce type. Reste que les chiffres de la délégation aux victimes montrent que 40% des femmes qui ont commis un homicide sur leur conjoint ou ex-conjoint étaient victimes de violences conjugales. Souvent ces cas sont réglés par des condamnations avec sursis. La décision prise par la cour d’assises du Nord est une décision importante : cela revient à reconnaître que ces femmes sont avant tout des victimes et bien souvent elles tuent leurs conjoints en situation de légitime défense. D’après ce que je sais, la scène au cours de laquelle le drame a eu lieu faisait suite à l’annonce de Mme Lange de son souhait de quitter son mari. Nous le savons, c’est une situation extrêmement dangereuse pour les femmes victimes de violences conjugales.
F.B. : C’est une décision qui je pense va faire jurisprudence. Cela a le mérite de séparer la notion de conflit de couple et de drame familial : souvent les deux sont mis sur le même plan et il est alors sous-entendu que si Monsieur a été violent lors d’une dispute, Madame a répondu en étant violente elle-même. L’acquittement de Mme Lange reconnaît que cette femme était en danger et qu’elle n’avait pas d’autre choix que ce recours extrême pour sauver sa vie. Cela renvoie à la responsabilité de l’auteur des violences, et le responsable dans ce cas était le conjoint et non la femme battue. Mme Lange n’avait rien à faire devant une cour d’assises.
F.B. : La première nécessité pour les femmes qui sont dans une telle situation est qu’elles soient orientées vers des professionnels qui connaissent ces problématiques de violences conjugales afin de les accompagner dans leurs démarches. Malheureusement, bien souvent, porter plainte auprès du commissariat ne suffit pas. Il est donc nécessaire de coordonner les actions en amont de la plainte afin de pouvoir protéger ces femmes menacées. C’est pourquoi nous demandons que les lieux d’accueil et d’hébergement soient sanctuarisés et réellement dédiés à des femmes victimes de violences conjugales. Nous avons également besoin de plus de places d’hébergement d’urgence mais également d’accueil de jour : les recommandations européennes sont d’1 place pour 10 000 habitants, or en Île-de-France par exemple, nous sommes près de 4 fois en dessous de ce plafond.
La FNSF regroupe 68 associations spécialisées dans l’accompagnement et l’hébergement des femmes victimes de violences conjugales. Elle a hébergé plus de 5 000 femmes et enfants en 2011 et gère le service national d’écoute gratuit 3919.
Crédit photo : Polka Dot
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